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Une histoire populaire – Mythes et figures de l’imaginaire américain

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L’histoire populaire américaine regroupe une multitude de légendes et de chants qui dérivent de quatre sources bien différentes : les Indiens d’Amérique, les premiers émigrants européens, les esclaves venus d’Afrique, et enfin les descendants des colons nés outre-Atlantique.

Les Légendes Indiennes
D’après de nombreux historiens et anthropologues, l’origine des récits populaires remonterait vraisemblablement à une époque où la majeure partie des habitants de la terre, concentrés en Afrique, parlaient une langue relativement homogène.

Il n’existe apparemment aucune autre explication au fait qu’après tant de siècles, on trouve des thèmes pratiquement identiques dans le patrimoine culturel de populations qui ne s’expriment plus de la même façon et vivent dans des parties du globe diamétralement opposées.

Les esclaves, arrachés à leur Afrique natale et amenés en Amérique au début du XVIIIe siècle, racontaient par exemple des histoires assez similaires à celles que narraient les Indiens aux Puritains débarqués sur les côtes du Massachusetts dans les années 1620.

Les légendes indiennes étaient généralement peuplées d’animaux, de sorciers, de « petits êtres » aux pouvoirs magiques, de bons et de mauvais esprits.

Elles étaient intimement liées à leurs convictions et pratiques religieuses, dont un certain nombre sont encore observées, ainsi qu’on peut le constater au cours des nombreux festivals organisés chaque années aux Etats-Unis par les différentes tribus.

Ainsi les Iroquois, grands ritualistes, dansaient au son de tambours en l’honneur de leurs amis, les Petits Êtres, qui ne se joignaient à eux que lorsqu’on ne « pouvait pas les voir ».

De même, la cérémonie sacrée des Indiens Zuñi du Nouveau Mexique, qui accompagnait toujours les semailles du maïs, cérémonie qui en 1950 déjà, avait fait l’objet d’un récit du conquistador Coronado.

Certains poèmes classiques puisés dans ce vaste fonds, comme « La Chanson d’Hiawatha » du poète américain Henry Longfellow (1807-1882), ont exercé leur charme étrange sur des générations d’enfants, mais la plupart des contes indiens, dont le style insolite et les sujets ésotériques déconcertent le plus souvent le lecteur américain, restent largement ignorés. Ils doivent être remaniés pour satisfaire aux goûts du plus grand nombre des lecteurs, ce que fit à merveille Longfellow.

De leur côté, les Indiens s’approprièrent parfois des légendes médiévales apportées avec eux par les explorateurs espagnols et français, et dans lesquelles fleurissent le merveilleux et les métamorphoses instantanées. Ils les transposèrent et les amalgamèrent sans difficulté à leur propre culture.

En dépit de son obscurité, le folklore indien a imprégné directement ou indirectement la tradition écrite et orale de l’Amérique. Nombre de mélodies tribales ont été soigneusement recueillies et ont trouvé un écho dans les œuvres de compositeurs européens. L’exemple type est celui d’Anton Dvorak avec sa Symphonie du Nouveau Monde.

Sur tout le territoire des Etats-Unis, des musées ont familiarisé le public avec la vie et les arts populaires des Indiens, dont la culture et les traditions continuent de fasciner.

L’Apport des Immigrants Européens
Les immigrants européens qui traversèrent l’Atlantique au 17e siècle ont un apport culturel principalement fondé à la fois sur la culture religieuse et sur les manifestations surnaturelles, telles que les maisons hantées et les apparitions diaboliques.

Dans les récits des immigrants européens, les blasphémateurs étaient frappés par des séismes, tombaient victimes de la foudre ou du tonnerre, la Providence opérait des miracles dans la tempête, et les sorcières et vampires se mêlaient aux exorcistes chargés de secouer l’empire du Malin.

Au cours des premiers siècles de la colonisation, les beaux esprits comme les âmes simples furent nourris de ces légendes auxquelles s’ajoutaient les fantasmagories échafaudées à partir des « diaboliques sorcelleries et coutumes barbares des sauvages ».

Les colons, résistants face au danger physique, mais prêt à fuir devant toute « apparition », se rassemblaient occasionnellement pour se raconter les dernières histoires extraordinaires : naissance d’un monstre à Boston, aventure d’un pêcheur ayant rencontré une sirène…

C’est dans ce climat bizarre, imprégné d’un intérêt passionné pour les œuvres du Démon, qu’eurent lieu, en 1692, dans le Massachusetts, les retentissants procès des Sorcières de Salem, dans lesquels on vit des fables construites de toutes pièces servir de chefs d’accusation contre des citoyens respectés, subitement accusés de sorcellerie.

Il y a peu de temps encore, des légendes alliant religion et sorcellerie pouvaient être entendues dans les Monts Ozark (Missouri), en Caroline du Sud ou dans le Deep South, au fond de la Louisiane et du Mississippi.

Une bonne partie des différentes traditions apportées par les vagues successives d’immigrants est parvenue jusqu’à nous, fréquemment sous forme de chansons, principalement dans les secteurs géographiques dans lesquels les groupes ethniques sont restés établis de façon stable.

Les Cajuns, qui occupent en Louisiane la région des bayous, ont préservé de vieux airs bretons du XVIIIe siècle. Dans les Dakotas, on a longtemps conservé des gigues paysannes originaires de Scandinavie; des thèmes écossais émaillent certaines vieilles ballades enregistrées par les ethnologues dans les Great Smoky Mountains de Caroline du Nord.

Les Noirs du Sud
Avec les chants de travail, destinés à accompagner la cueillette du coton ou le déchargement des bateaux à vapeur sillonnant le Mississippi, la culture des Noirs du Sud fut à l’origine du développement du jazz et du blues.

Moins connus que les chants de travail ou les spirituals, les récits traditionnels des Noirs Américains n’étaient pas marqués par la tristesse caractérisant leurs hymnes religieux.

Il s’agit souvent d’histoires comiques, directement importées d’Afrique, et dans lesquelles les animaux pensent et agissent comme des êtres humains.

Plongeant leurs racines dans le sentiment de la parenté entre l’homme et l’animal, elles ont été détournées de leurs origines au fil des ans à des fins allégoriques ou satiriques, souvent afin d’alimenter la littérature enfantine.

Les plus célèbres, les histoires d’Oncle Remus, ne sont, pour bien des critiques, qu’une illustration supplémentaire de l’évolution au terme de laquelle les enfants conservent ce qui appartenait naguère aux adultes.

Le conteur noir Oncle Remus, « Uncle Remus », vieil esclave qui raconte des histoires d’animaux à un groupe d’enfants blancs regroupés autour de lui, est une création du journaliste américain Joel Chandler Harris (1848-1908), qui avait recueilli un ensemble de récits traditionnels auprès de Noirs américains.

Uncle Remus est une collection d’histoires d’animaux, souvent didactiques, qui ne manquent pas de rappeler les fables d’Esope ou celles de Jean de la Fontaine.

L’oeuvre de Joel Chandler Harris fut appréciée pour sa capacité à reproduire le dialecte du Vieux Sud utilisé par les Noirs dans les plantations jusqu’au milieu du 19e siècle.

Il est à noter que le terme d' »Oncle », Uncle, terme familier souvent réservé dans le Sud aux vieux esclaves noirs par leurs maîtres blancs, peut être considéré comme raciste et offensant.

Le personnage principal d’Uncle Remus est Brer Rabbit (Brer pour « brother », Frère Lapin) souvent en opposition avec ses voisins Frère Renard et Frère Ours.

Marins et Mariniers
Mike Fink est un personnage semi-légendaire qui serait vers 1770 à Fort Pitt près de l’actuelle Pittsburgh, en Pennsylvanie. Héros des mariniers, rude, farceur, bagarreur et grand buveur, il parcourait sur sa barge les fleuves Ohio et Mississippi.

Après une jeunesse aventureuse au cours de laquelle il servit de guide aux explorateurs et lutta contre les Indiens, il rejoignit en 1795 les rudes équipages qui montent et descendent le Mississippi et l’Ohio sur des bateaux à quille.

Mike avait la réputation d’être un as du saut. Un jour, dit-on, il faillit enjamber d’un bond le Mississippi, mais lorsqu’il se rendit compte qu’il risquait de ne pas arriver sur la rive opposée, il parvint à faire demi-tour en l’air et à retomber à son point de départ.

Lorsqu’à partir de 1815 les bateaux à vapeur firent leur apparition, la vie sur les grands fleuves changea et les marins des temps héroïques se dispersèrent.

Fink reprit du service dans la prairie en 1822. Il fut tué peu après. Certains prétendent qu’inconsolable d’avoir tué son meilleur ami, il s’offrit volontairement aux coups d’un adversaire lors d’une escarmouche avec les Indiens sur les bords du Missouri.

Sur les flots tempétueux des océans, les légendes allaient aussi bon train. Les marins qui naviguaient de la Nouvelle-Angleterre à la Chine sur des grands voiliers de commerce passaient leurs longues journées et leurs nuits de veille à se raconter les aventures du vieux capitaine Stormalong et de son puissant navire, le Courser.

Ce bâtiment était dit-on si vaste que les marins de quart devaient passer leur temps à cheval sur la grand-vergue pour pouvoir embrasser d’un regard toute l’étendu du pont.

Pendant les manœuvres, hissant et affalant les lourdes voiles, ils reprenaient, pour accompagner leur effort, des chants de marins, chants de halage, célébrant les exploits de leurs héros.

« He was a sailor bold and true,
To my aye storm a-long!
A good old skipper to his crew;
Aye, aye, aye, Mister Storm a-long.

Of captain brave, he was the best,
To my aye storm a-long!
But now he’s gone and is at rest;
Aye, aye, aye, Mister Storm a-long.  »

Les héros réels
Les héros populaires dont l’existence est avérée étaient tous aussi hauts en couleurs que les Bunyan ou Fink. Mais les qualités hors du commun pour lesquelles ils devinrent chers au cœur de leurs compatriotes étaient moins leur taille ou leur force que leur simplicité et leur courage.

Ainsi en fut-il de John Chapman, que la légende a transformé en Johnny Appleseed, parce qu’il plantait des pépins de pomme. Les Indiens le laissaient aller et venir sans encombre parce qu’à leurs yeux sans doute, des hommes aussi généreux et loyaux que lui siégeaient auprès des Grands Esprits.

Casey Jones, quant à lui, illustra l’ère du chemin de fer. Cet Irlandais souriant, au cœur généreux, était un conducteur de locomotive de l’Ilinois Central. Par une triste nuit de 1900, son train de voyageurs heurta un convoi de marchandises et il mourut à son poste. Après le drame, son mécanicien noir, Wallace Saunders, qui avait sauté sur l’ordre de Casey juste avant la collision, écrivit les paroles d’une ballade racontant la mort de Casey.

Mais le plus pittoresque de tous les héros américains fut probablement Davy Crockett (1786-1836). Sincère, plein d’humour, et réputé pour son franc-parler, il se fit le défenseur des petites gens et mena pendant plusieurs années une carrière d’homme politique issu du peuple.

Dans la tradition folklorique, il apparaît sous les traits de l’homme de la Frontière, cocasse et matois, coiffé de son bonnet en peau de raton laveur.

En 1845, neuf ans après la bataille d’El Alamo, haut fait de la guerre d’indépendance menée par le Texas contre le Mexique et au cours duquel Davy Crockett en même temps que tous les autres défenseurs du fort, l’immense territoire texan vint s’ajouter aux Etats-Unis.

Ainsi commença l’ère du cowboy américain, dont la vie libre au sein de vastes espaces de l’Ouest continue d’exercer un attrait qui ne s’est jamais démenti.

Les cowboys avaient tout un répertoire de chansons qu’ils fredonnaient pour tromper la monotonie du travail, pour faire avancer le bétail, ou encore pour l’empêcher de s’affoler lors de la pause de la nuit, et dont ils adoptaient le rythme à l’allure de leurs chevaux.

Les cowboys avaient eux aussi leurs légendes et leurs champions, tels Pecos Bill, le plus grand d’entre eux.

Rivés à leur selle durant de longues journées, ils aimaient le soir venu, s’asseoir autour des feux du bivouac et raconter comment Bill, dans sa plus tendre enfance, était tombé d’un chariot bâché et avait été adopté par une famille de coyotes. Puis comment, jusqu’à l’âge de dix-huit ans, il avait ignoré qu’il n’était pas un coyote.

Les récits s’amplifiaient, enflaient et en fin de compte, tous les exploits des cowboys, quel q’en fut l’auteur, étaient attribués à Pecos Bill.

Les Légendes de l’Ouest
A l’Ouest, où une partie du folklore de l’Est et du Sud avait été transplantée sans subir de grandes modifications, pour courageux qu’ils aient été, avaient parfois moins de panache…

Le moins séduisant mais le plus mythifié de ces héros fut peut-être Billy The Kid (1860-1881), un jeune desperado à propos duquel les habitants du Far West ne tarissaient pas d’histoires toutes plus terribles les unes que les autres. La légende lui prête 21 meurtres en 21 ans d’existence, avec 21 balles, pas une de plus…

Comme beaucoup d’autres brigands célèbres, tels Wild Bill Hickock, Billy the Kid ou Sam Bass (Le Robin des Bois du Texas), Jesse mourut sans pouvoir « défendre sa peau », ce qui, pour les populations locales de l’époque, aurait dû lui être accordé, quels que fussent ses torts.

La légende s’empara aussi de la vie de Jesse James et de son frère Frank James, deux audacieux hors-la-loi qui pillaient banques et trains pour assurer leur quotidien. La petite-fille de Jesse James prétendait que non moins de dix-sept bandits différents tentèrent de se faire passer pour Jesse après que ce dernier ait été tué, abattu dans le dos, par un shérif.

Ces morts dus à la traîtrise d’un des adversaires s’emparèrent de l’imagination populaire et, dans un contexte de tensions et de conflits de classe répétés, les réprouvés devinrent parfois des symboles de révolte et de protestation contre les forces de ce qui était alors considéré comme tyrannie et injustice.

Tel est le monde des traditions populaires américaines, une mosaïque de personnages et de récits. Lié à l’histoire politique, économique et sociale du pays, il l’illustre par le truchement de héros parfois entrés vivants dans la légende.

C’est ainsi qu’il faut le prendre et le comprendre, mêlant dans sa candeur et sa rudesse les ombres du mythe aux lumières de la réalité.

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