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King Kalakaua, le dernier roi d’Hawaii

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Depuis la découverte des îles Hawaï par l’explorateur anglais, James Cook, en janvier 1778, il sauta aux yeux des nations qui faisaient escale à Honolulu que ces îles stratégiquement placées au centre du Pacifique ne pourraient en aucun cas rester indépendantes.

Par André Girod

Les colons américains, dés le milieu du 18e siècle, commencèrent à trouver que leur attachement à un royaume aussi lointain que celui d’Angleterre, devenait pesant et surtout injuste.  Ils parlaient entre eux de ces ordres et contraintes qu’ils supportaient de plus en plus difficilement et envisageaient des solutions pour les atténuer au début puis pour les supprimer complètement.

La Révolution se mettait en route et les premières milices s’organisèrent. Enfin, pour faire bref, une forme de gouvernement local s’implanta en 1774, puis une rupture brutale se fit en 1776. Une guerre suivit qui vit la victoire des « patriots ». Les Etats-Unis d’Amérique étaient nés.

Ce refus d’être sous la tutelle d’un roi devint l’un des principes de base de la Constitution, refusant un système de « taxation sans représentation ». Des élections étaient instaurées pour choisir tous ceux (ou celles) qui, pendant un laps de temps bien limité, conduiraient le pays.

Ainsi s’était libéré le pays de la tutelle royale mais cette séparation se fit par une guerre acharnée.

Par contre à l’autre bout des Etats-Unis, au delà de la côte Ouest, l’Amérique ajouta un bout de territoire qui lui aussi avait été un royaume fort et dominant dans sa région : les îles Hawaï. Le rattachement et surtout sa saisie se firent autrement que ce qui se déroula sur la côte Est.  Le processus fut beaucoup plus subtil, plus pernicieux et plus long. La substitution d’un régime à un autre ressembla presqu’à une pièce de théâtre : tout en douceur, aucune confrontation frontale avec les habitants ou avec les autres nations qui convoitaient ces îles prestigieuses.

Le dernier roi d’Hawaï disparut sachant que son royaume allait être englouti par les Etats-Unis. C’est le seul état américain où existe un palais royal : Iolani Palace à Honolulu. Ce ne fut pas la régence qui lui succéda qui put arrêter la mise en marche de l’intégration des îles Hawaï dans le territoire américain.

Depuis la découverte des îles Hawaï par l’explorateur anglais, James Cook, en janvier 1778, il sauta aux yeux des nations qui faisaient escale à Honolulu que ces îles stratégiquement placées au centre du Pacifique ne pourraient en aucun cas rester indépendantes. Or cette année là, presque le même mois, février 1778, la Grande-Bretagne subissait une défaite diplomatique avant d’essuyer une défaite militaire avec le «Traity of Amity », traité d’amitié et de commerce signé entre les rebelles américains et la France. William Pitt, sentant le danger, avait conjuré ses collègues du Parlement de faire la paix avec les Etats-Unis. En vain.

Tout se lie dans l’Histoire, même à cette époque : le lien entre les divers événements n’apparaît pas toujours au grand jour mais il est là, dissimulé sous les faits. C’est un peu ce qui se passe entre l’Histoire des îles Hawaï et la Grande-Bretagne en 1778. L’Empire britannique allait perdre une de ses importantes colonies tandis que l’un de ses fameux explorateurs découvrait et prenait possession au nom de la couronne britannique, comme c’était la coutume, des terres inconnues qu’il venait d’explorer.  C’était non seulement une faible compensation mais un cadeau empoisonné car jamais, étant aussi éloigné de ces îles, la Grande Bretagne n’a pu faire face à la concurrence des Etats-Unis dans l’évangélisation de Hawaï. Ce ne furent plus les soldats  armés d’arquebuses qui conquirent le territoire mais les pasteurs armés du crucifix qui le firent.

Pourtant le royaume d’Hawaï était sous la tutelle d’une monarchie bien implantée dans les îles.  Dés l’annonce de la découverte de ces îles, des bateaux de toutes nationalités s’arrêtèrent à Honolulu pour faire reposer leurs hommes, assurer les réparations nécessaires, libérer les marins de leurs pulsions charnelles et se ravitailler en eau fraîche, viandes, légumes et fruits, avant de repartir. Les Français, les Allemands, les Japonais, les Chinois, les Anglais et les Américains devinrent coutumiers du port et beaucoup s’y installèrent. A un moment donné, fin du 19e siècle, la population étrangère la plus nombreuse établie à Honolulu était le contingent des Japonais qui pensèrent eux aussi s’accaparer des îles. L’attaque de Pearl Harbour avait un relent de colonisation manquée !

Et le roi dans tout cela ?

Notre bon roi s’appelait David Kalakaua. La question se pose : pourquoi David alors que son véritable nom à tiroirs ne comportait que des mots hawaiiens : David LA’AMEA KAMANKAPU’U MAHINULANI NALOIAEHUOKALANI LUMIALANI KALAKAUA . Bon exercice de mémorisation pour éviter la maladie Alzheimer !

 

Pourquoi David ?

Depuis l’arrivée des premiers explorateurs, une multitude de prêcheurs et de pasteurs, surtout américains,  envahirent les îles pour sauver les âmes de ces barbares qui se livraient à des orgies, vivaient l’inceste, buvaient comme des trous et faisaient parfois des sacrifices humains. Comme nous l’avons vu dans l’article sur Hiram Bingham, les pasteurs américains étaient outrés par ces mœurs débauchées alors que les Hawaïens pensaient que ces coutumes étaient le reflet de la nature. En effet même maintenant quand vous allez à Hawaï, la mer, les plages, le climat, la beauté du paysage inciteraient plus à un dévoiement des sens qu‘à la pratique de l’abstinence ! D’où le rêve des Américains d’aller à Hawaii pour leur lune de miel !

Depuis le début du 19e siècle, tout a été mis en place pour maîtriser la société et lui apprendre les bonnes manières ( occidentales) et leur donner une certaine éducation. Le gouvernement appliqua les leçons enseignées aux jeunes générations par les écoles religieuses.

David  tirait donc son prénom de la Bible dont l’enseignement était la base de l’éducation dans les écoles des pasteurs calvinistes américains. Hiram Bingham I avait imposé d’une manière assez autoritaire ses points de vue et son idéologie à O’ahu pendant vingt ans (1820/1840). L’une des premières décisions ( le cas dans toute colonisation) prises était de faire oublier les coutumes précédentes et la culture devait disparaître : suppression de la danse hula, défense de boire, de forniquer, d’utiliser l’hawaien comme langue officielle et obligation de baptiser les enfants d’un prénom occidental, tiré si possible de la Bible. Il fallait comme mesure drastique, effacer tout ce qui représentait le passé d’Hawaï. Alors pour montrer l’exemple, le fils du roi s’appela David.

David reçut une excellente éducation. Il parlait plusieurs langues, était un excellent élève, s’intéressa aux sciences et fut considéré comme le meilleur danseur de valse et de polka du pays. Il se fit construire, en 1882, un palais « Iolani Palace » à l’image de ceux qui foisonnaient en Europe. Mais fier de sa race et de l ‘histoire d’Hawaï, il fit tout son possible, malgré les pressions qu’il subit de la part des Missionnaires, pour préserver les coutumes, la langue et la manière de vivre de ses ancêtres. Toutefois, passionné par de multiples domaines en particulier par les sciences, il installa l’électricité et le téléphone dans son palais puis peu avant sa mort enregistra sa voix sur un  phonographe qui venait d’être inventé par Thomas Edison. Ce mélange d’avenir et de passé lui valut une très grande popularité auprès de son peuple.

Né le 16 novembre 1836 à Honolulu, il était le fils du Chef Kahanu Kapaakea et de Analea Keohokalole d’une famille renommée à Hawaï. Mais la tradition voulait qu’un tel enfant fût adopté par une famille encore plus importante, celle du roi. Alors à la naissance de l’enfant, des émissaires vinrent retirer le garçon de la mère pour le transporter à la cour du roi Kamehameha III dans l’ile de Maui. Vers cinq ans, David fut envoyé à Honolulu dans l’école Cookes tenue par des religieux évangélistes américains. Puis il apprit le métier des armes avec un vieux soldat prussien, le Capitaine Franz Funk et il conservera l’allure du militaire prussien toute sa vie ainsi que les costumes. Il utilisera les méthodes prussiennes et les théories de Clausewitz pour entraîner ses troupes à la discipline militaire. En 1852 il reçut le grade de Capitaine à l’âge de 16 ans, ce qui était la tradition souvent en Europe.

Sous la direction du chef de la justice de Hawaii, il s’imprégna des lois et de la justice.

Tout était fait pour parfaire une éducation de prince, telle qu’elle se donnait dans les cours royales européennes. Enfin pour terminer son éducation, il ne lui manquait que le « grand Tour » que suivaient tous les aristocrates anglais lorsqu’ils arrivaient à la fin de leur adolescence.  Il partit avec le prince Lot ( plus tard roi Kamehameha V) . Une fois installé sur le trône, il partit faire un tour du monde au cours duquel il rencontra l’Empereur du Japon, la Reine Victoria, le Roi Umberto d’Italie, tour qui devait apporter un certain prestige à son royaume.

Mais dans la population qui inclut des Chinois, Japonais, Britanniques, Allemands, il y a en 1890, moins de la moitié de la population d’origine hawaïenne. Les plus actifs sont américains et fomentent des complots contre le roi dés son avènement sur le trône. Ils sont « missionnaires », beaucoup à tendance calvinistes et voient dans ces îles un fort apport stratégique pour les Etats-Unis. L’économie des îles Hawaï dépend de leurs exportations vers l’Amérique. Le sucre, principale ressource du pays, est exporté, selon un « traité de commerce » en grande partie vers San Francisco sans droits de douane. Les plus gros propriétaires terriens sont évidemment américains : ils le sont devenus après avoir expulsé les natifs sans défense et à coups de dollars ont ainsi instauré une économie prospère.

Pendant longtemps, le roi Kalakaua résista à la tentation d’une annexion réclamée à grands cris par l’opposition surtout formée d’étrangers. Le roi s’en plaint constamment. Il déclare à un jeune reporter américain qu’il est « prisonnier des missionnaires qui l’ennuient avec leurs réformes : plus de pique-nique le dimanche, plus de danseuses de hula toute la nuit et … plus de gin ! Ils ont enlevé en moi le plaisir d’être roi ! ». En effet cela lui était difficile de résister car c’était un grand buveur de gin et d’alcool fort comme le narre dans ses mémoires, Robert Louis Stevenson qui, fréquent visiteur à Hawaï, voulut une nuit se mesurer à lui. Vaine tentative !

 

Pourtant lors d’un coup d’état contre sa Majesté, lui,  Kalakaua qui voulait garder «  Hawaï pour les Hawaiiens »,  dut accepter la « Bayonet Constitution » ( qui rappelle la parole de Mirabeau sur la force des baïonnettes)  rédigée par le comité des Treize, moteur de la « Hawaii League », tous Américains et qui avaient soulevé les étrangers contre son régime. Jusqu’au bout, il voulut refuser de signer le décret d’annexion préparé par Washington. Isabel Strong, une Américaine qui était devenue proche du roi, rappelle les paroles de ce dernier en 1887 :

« What they want is my country.They are hoping to annex Hawaii to the United States. It’s been a steady fight ever since I came to the throne…. »

( Ce qu’ils ( les Missionnaires américains) veulent , c’est mon pays. Ils espèrent annexer Hawaï aux Etats-Unis. Cela a été une bataille continue depuis que je suis sur le trône.)

Isabel lui demande si c’est possible.

«  No while I live ! » rétorque le roi ( Pas de mon vivant)

 

Mais il céda peu à peu : le 26 septembre 1887 il donna les droits exclusifs d’utilisation de la baie de Pearl Harbour aux Etats-Unis pour en faire un port de guerre. Au moment où le gouvernement japonais autorisait le départ de milliers d’ouvriers japonais vers les îles pour travailler dans les champs de canne à sucre ! En 1896, un quart de la population de Hawaï était japonaise. La petite histoire parfois éclaire  les événements  de la Grande Histoire d’un jour nouveau !

 

Malade, atteint de tuberculose et d’une cirrhose du foie avancée, le roi Kalakaua, partit vers une région plus fraîche ( la Baie de San Francisco), et mourut dans cette ville le 20 janvier 1891.

 

Son retour aurait dû être triomphal car tous ses fidèles croyaient à sa guérison : des arcs de triomphe avaient été montés sur les avenues, des couleurs brillantes installées partout à Honolulu. Une vigie, Charles Peterson, du haut du Diamond Head, guettait l’arrivée du navire qui ramenait le roi. Il avait pour mission de téléphoner avec le seul appareil de l’île à la reine pour que les gens endimanchés puissent faire un accueil grandiose au roi. Mais soudain le garde vit le drapeau en berne. Il comprit tout de suite que le roi était mort et que c’était sa dépouille mortelle que transportait le bateau américain. En un clin d’œil, toutes les décorations furent démontées et remplacées par des voiles de couleur noire. La communication à cette époque était encore des plus primaires !

 

Il en était fini de l’indépendance du Royaume d’Hawaï. La régente, sœur du roi, Liliuokalani, fut enfermée prisonnière dans une pièce du Iolani Palace et destituée de tous ses droits.

 

Ce ne fut que le 21 août 1959 que les îles Hawaï devinrent le cinquantième état des Etats-Unis. Cette conquête avait duré plus d’un demi-siècle et s’était faite en trahissant la culture hawaïenne. Heureusement de nombreux groupes tentent à présent de faire revivre cette culture qui avait paru aux yeux des premiers missionnaires comme lascive, débauchée, inculte et indigne de vivre dans de telles îles alors qu’en réalité pour les indigènes, c’était la plus belle façon de profiter des merveilles qu’offraient les îles Hawaï.

De nos jours renaît un fort courant d’émancipation de la part des habitants, de souche comme, d’origine étrangère de l’ile d’Hawaï. Cette île la plus grande, ne connaît pas encore trop la pression immobilière mais  de nombreux habitants craignent de voir leur île défigurée par le béton et les barres d’immeubles.

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