Une étape importante lors d’une découverte de la Virginie : Monticello, la maison à laquelle Thomas Jefferson, troisième président des Etats-Unis, consacra ses talents d’architecte. Une belle demeure, inscrite par l’UNESCO au Patrimoine Mondial de l’Humanité.
Troisième président des Etats-Unis (de 1801 à 1809), successeur à ce titre de Georges Washington et de John Adams, homme d’Etat aux idées inspirées des Lumières, Thomas Jefferson naquit en Virginie en 1743. Épris de sciences, de culture et de politique, il fut architecte, inventeur, philosophe, écrivain, en plus d’exercer, au cours de deux mandats successifs, les plus hautes fonctions politiques à la tête du pays.
Sa maison, la maison de ses rêves, il la construisit après l’incendie du manoir familial, quarante années durant, entre 1769 et 1809, ajoutant progressivement, améliorant, en fonction de son temps et de ses disponibilités financières.
Jefferson à Monticello
Monticello, en termes de surface et de luxe, est très loin des palaces d’aujourd’hui. La belle maison de style néo-classique reste d’une taille raisonnable, bien loin des châteaux de milliardaires qui apparurent tant sur la côte Est qu’en Californie au cours du 19e siècle.
Thomas Jefferson y vécut toute sa vie, exception faite de la période qu’il passa à la Maison Blanche. Entourée de ses terres et des plantations familiales, Monticello était une demeure rurale. Celle d’un « gentleman farmer » .
Philosophe, inspiré des Lumières, humaniste, Jefferson n’en eut pas moins des esclaves pour travailler dans sa propriété, comme en avaient eu ses parents, ses grands-parents et plusieurs générations avant eux. Jefferson se pencha pourtant sur la question et, en 1800, rédigea un projet pour l’abolition de l’esclavage. L’idée resta sans écho auprès de ses contemporains : il faudra attendre encore un peu plus d’un demi-siècle pour qu’elle s’impose au regard de la constitution.
A Monticello, Jefferson vit avec son épouse Martha, dont il aura six enfants. Seulement deux arriveront à l’âge adulte. Martha mourut en 1782 en donnant naissance à son sixième enfant. Veuf inconsolable, n’envisageant même pas de se remarier, Jefferson aura ensuite neuf autres enfants avec une des esclaves de Monticello.
Et lorsqu’il sera président, c’est sa fille Martha qui sera appelée à gérer la Maison Blanche, occupant ainsi le rôle de « première dame ».
Jefferson mourra à Monticello, âgé de 83 ans, le 4 juillet 1826. Étonnants concours de circonstances : sa disparition survient cinquante ans jour pour jour après la signature de la Déclaration d’Indépendance (4 juillet 1776), dont il fut un des principaux auteurs; et le même jour, s’éteint aussi un autre signataire majeur de cet acte fondateur des Etats-Unis, son ami et prédécesseur à la Maison Blanche, John Adams.
Jefferson est enterré au cimetière de Monticello, à quelques centaines de mètres en contrebas de la maison. Sur le monument funéraire, l’épitaphe écrite par Jefferson lui-même, mentionne la Déclaration d’Indépendance mais ne fait aucune référence à son rôle de président des Etats-Unis.
Les jardins historiques
Au sommet de sa colline, la villa s’intègre à un ensemble rural largement arboré : chênes séculaires, érables, tilleuls, tulipiers, magnolias, un caféier du Kentucky et un peu plus loin une allée de saules pleureurs. Et de part et d’autre de la maison, de longues terrasses de bois, au plancher rouge, sur lesquelles sont posées des plantes exotiques en pots.
En contrebas, un vaste jardin potager, sur un espace tout en en longueur dominant la plaine. Jefferson, jardinier et scientifique, y cultiva et étudia plus de 250 variétés de plantes, appartenant à 70 espèces différentes, dont certaines méconnues aujourd’hui. Au plaisir de la botanique s’ajoutait ainsi la satisfaction de nourrir sa famille et ses invités avec des produits frais cultivés « à la maison ».
Un jardinier à plein temps, assisté de stagiaires pendant les périodes de vacances, continue aujourd’hui à entretenir le jardin de Thomas Jefferson. Les légumes produits sont dégustés lors de certains événement organisés à Monticello, ou offerts aux employés de la propriété.
Mais n’oublions pas les fruits, dont Jefferson étudia quelque 150 variétés. Le verger se trouve au sud de la propriété, juste au-dessous du jardin potager. On y dénombrait quatre-cents arbres fruitiers, deux petites vignes, ainsi qu’un secteur consacré aux baies : groseilles de divers types, framboises, myrtilles ou mûres…
Quant au jardin de fleurs, et de plantes aromatiques, il ne survécut pas à la disparition du maître de maison. On sait que plus d’une centaine d’espèces y étaient cultivées et étudiées, et que Thomas Jefferson recevait chaque année un colis provenant du Jardin des Plantes à Paris, contenant non moins de sept cents variétés de graines.
Ce n’est qu’à partir de 1939 que ce jardin de fleurs fut reconstitué par un groupe de passionnés, à partir des plans dessinés par Jefferson lui même, retrouvés dans les archives de la maison.
L’architecte et son œuvre
Une construction harmonieuse et raffinée, de dimensions modestes, longuement et progressivement mûrie, conforme à l’esprit du Jefferson philosophe, inspirée tant de l’architecture romaine classique que de celle de la Renaissance et d’Andrea Palladio.
La maison telle qu’on la visite aujourd’hui a bien entendu évolué au fil des années, des décennies et des presque deux siècles écoulés depuis la mort de Jefferson. Souvent rénovée, parfois négligée, durant les périodes de guerre ou de crise économique, elle reste cependant la seule maison aux Etats-Unis inscrite (depuis 1987) à la liste UNESCO du Patrimoine Mondial de l’Humanité.
Après la mort de Jefferson, ses deux enfants survivants, Martha et son frère Thomas, furent contraints de vendre Monticello, bien au-dessous de sa valeur, pour éponger les dettes de leur père. La propriété passa ainsi entre les mains d’un pharmacien qui échoua dans son projet d’y élever des vers à soie, ne la garda que deux ans et la revendit à un officier de marine admirateur des idées de Jefferson, qui lui même la céda à ses descendants. Ce n’est qu’en 1923 que ses héritiers la vendirent à la « Fondation Thomas Jefferson » qui en est désormais propriétaire.
Une visite de Monticello permet de se plonger dans la vie d’un « gentleman farmer » d’il y a deux siècles, dans celle d’un d’un scientifique, d’un philosophe et d’un amateur d’art, d’un « Père fondateur » signataire de la Déclaration d’Indépendance, et d’un Président des Etats-Unis.
On y découvre avec émerveillement l’organisation des pièces, certaines octogonales, leur répartition, le mobilier (que l’on estime d’origine à 60 %) et les innovations domestiques et idées originales pour l’époque mises en place par un Jefferson l’inventeur, à l’esprit toujours en ébullition.