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Thomas Kinkade – Qu’est-ce que l’art ?

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La disparition récente de cet artiste américain pose la question sempiternelle de ce qu’est l’ART. Comment reconnaître un « grand artiste » d’un artiste tout court ?

Par André Girod

Dans ce cas-là pourquoi Jackson Pollock est-il considéré comme un artiste d’avant-garde, dont les œuvres sont exposées dans les plus grands musées du monde et se vendent à des prix astronomiques, tandis que celles de Thomas Kinkade se trouvent plutôt dans les salons des maisons particulières ?

Plus de trente millions d’Américains ont un tableau ou une reproduction de Thomas Kinkade dans leur « living room » plutôt qu’une copie de Jackson Pollock ! Est-ce que Kinkade est un meilleur peintre que Pollock ?

Les Américains de la classe moyenne et la « majorité silencieuse » de Nixon pensent, par ce geste d’accrocher un tableau de Kinkade chez eux, que Kinkade est nettement supérieur au point de vue de la qualité de la peinture à Pollock ou aux peintres dits modernes.

D’un point de vue artistique et qualité de l’œuvre, il est évident que Kinkade est plus « compréhensible » que celle de Pollock : le thème se reconnaît facilement, le travail de minutie que l’on trouve dans le dessin et le choix des couleurs montrent que les qualités de dessinateur et coloriste sont plus évidentes chez Kinkade que chez Pollock. Pollock comptait sur le «hasard » et le destin de sa peinture est de trouver son chemin dans la conscience et  l’esthétique de l’observateur pour non pas être « compris » mais lui inspirer une émotion forte.

Quant à Kinkade, il  ne peint comme il le disait souvent, que pour lui-même, d’une façon égoïste, pour se faire plaisir. Il ne fait pas appel à l’anima des étrangers pour les toucher. On le prend comme il est, pour ce qu’il peint et il veut simplement apporter un «rayon de lumière » dans un monde sombre et futile. Alors ses chaumières éclairées comme des madones, inspirées de l’influence des vitraux d’église qu’il voyait et admirait quand il était petit, apportent un rayon de soleil sur des murs ternes et dans des salons quelque peu délavés.

Car Kinkade était un génie de la lumière et s’inspirait de ces œuvres religieuses du Moyen Age qui concentraient la lumière sur le sujet principal, le Christ ou Marie. A quatre ans, son enseignante de l’école maternelle avait remarqué ce talent en voyant les dessins de Kinkade. Puis il vend son premier tableau pour  7,50 dollars à l’âge de sept ans à l’une de ses voisines qui le conservera précieusement.

Au collège et au lycée, il étonne les professeurs d’art par la qualité de ses dessins et de sa peinture à l’huile. Alors, après des études de philosophie desquelles il ne retient que la formule : «  Sois toi-même » ( Be yourself) qu’il s’appliquera toute sa vie, il suit des cours d’art qui ne lui apportent presque rien. Avec un copain, il décide de partir à l’aventure avec sous le bras des carnets de croquis. Ils entrent dans des bars et dessinent les portraits des serveurs, puis les leur offrent. Mais ils demandent alors l’autorisation de croquer les portraits des clients qui le souhaitent pour deux dollars. Ainsi, ils se déplacent de ville en ville, de bar en bar, gagnant quelques sous en faisant des dessins ou des caricatures.

Mais ce qui attire surtout le jeune artiste, ce sont des études sur la lumière : comment jouer de cette merveille que sont des rayons de soleil sur un sous-bois, entre les nuages, sur une montagne, sur les vagues d’une plage ? Comment arriver à tirer une puissante émotion, celle que ressentent les visiteurs devant un spectacle naturel grandiose, comme on le ressent devant une chaine de montagne ou un paysage illuminé ?

 

Ce fut alors le but de son art et il n’en dévia jamais malgré de féroces critiques des journalistes d’art qui appelaient ses œuvres «décadentes », obsolètes, horriblement dépassées. Il n’en tint jamais rigueur à ces critiques qui ne voyaient l’art que dans des tableaux d’avant-garde alors que bien souvent ils étaient incapables de donner des éclaircissements valables sur ces œuvres.

Lui au contraire était plébiscité par les humbles, les inconnus, les anonymes qui voulaient simplement un tableau ou une copie d’un paysage qui éclairerait par sa tranquillité, sa sérénité et le plaisir de l’œil une pièce de leur logis. Kinkade leur donnait cet humble plaisir par un travail recherché, un paysage magnifiquement reproduit, peut-être un peu trop «  Disney » pour certains. Et c’est ce que fit Kinkade bien plus tard en ajoutant des personnages de contes de fée ou de dessins animés de Disney dans ses compositions.

La question reste aussi présente : qu’est-ce que l’ART ? Ce qui plaît à la foule ? Ce qui trouve justice aux yeux des critiques d’art, tous d’ailleurs membres d’une élite qui se veut artistique et intellectuelle ?

Kinkade, tout comme Pollock d’ailleurs, mais chacun à sa façon, ne s’en est jamais inquiétés tant il était pris par la composition de l’œuvre d’une vie. Pollock avec ses coups de poignets vigoureux et ses «  drippings », Kinkade avec ses effets de lumière, ont apporté au monde leur mode de pensée.

C’est une peu ce que pourrait être la définition de l’ART ! Donner aux spectateurs, aux observateurs un moment intense de plaisir et une fusion souvent émotionnelle avec l’artiste au travers de son travail.

Tous les deux, Pollock et Kinkade, avec des publics différents, l’ont réalisé !

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