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Right to bear arms, le droit de porter les armes aux USA

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Un sujet délicat, difficile à expliquer puisque l’idée que s’en font les Américains diffère singulièrement de ce que peuvent en penser les Européens et surtout les Français : le droit de porter une arme sur soi.

Par André Girod

Un sujet délicat, difficile à expliquer puisque l’idée que s’en font les Américains diffère singulièrement de ce que peuvent en penser les Européens et surtout les Français : le droit de porter une arme sur soi.

Une tragédie comme celle de Tuscon, Arizona, en janvier 2011, vient encore de le prouver. Même si l’émotion est grande aux Etats-Unis, il suffit de lire les articles des grands quotidiens de la côte Est, elle ne met pas en cause ce fameux amendement, le deuxième, qui autorise cette tradition. Les voix s’élèvent plutôt contre la virulence de la campagne politique telle qu’elle s’est déroulée dans cet état et pointe du doigt la vice-candidate du parti républicain, Sarah Palin, qui sur une carte des Etats-Unis, avait indiqué par une cible, la candidate Gifford à battre (ou à abattre). Malgré les campagnes inlassables d’une faible minorité contre cet amendement, rien, jusqu’à maintenant, n’a pu le modifier. Pourquoi ?

Cette démarche mettrait immédiatement aux Etats-Unis, une longue tradition sur le tapis : le droit de porter une arme donc le droit pour le particulier d’acheter une arme dans n’importe quel magasin qui en vend. Même Wal-Mart (la plus importante chaîne de supermarchés en Amérique) dans certains états, a un rayon armes et  sur des râteliers ou sur les comptoirs, sont exposés armes de poing : revolvers, pistolets, ou fusils d’assaut : fusils, fusils-mitrailleurs, pistolets-mitrailleurs. Est en jeu le commerce des armes !

Le droit de garder et de porter des armes ( « keep and bear arms ») s’inscrit dans le deuxième amendement de la Constitution américaine. Le texte est précis : « La liste des droits US est faite pour protéger le droit du peuple de garder et de porter des armes ». Cette loi a été adoptée au lendemain de la Révolution américaine, le 15 décembre 1791. Elle a souvent été attaquée soit par des pacifistes, soit par des groupes aux intérêts particuliers. Le dernier procès en date remonte à 2010 : McDonald ( rien à voir avec les restaurants fast food quoique le résultat d’un massacre peut ressembler à de la viande hachée !) contre Chicago. La Cour Suprême confirme alors ce droit et limite sérieusement l’autorité des états ou du gouvernement fédéral à restreindre le  port des armes.

Pendant longtemps, comme le montre le verdict du tribunal de Colfax, Louisiane (1875), le droit de tuer ( massacrer) était reconnu dans ce second amendement. Les faits se passent le 13 avril 1873 dans ce bourg de Colfax. Peu après la Guerre civile, la tension était extrême dans les états du sud et l’émancipation des esclaves noirs , si elle était validée par le résultat de la victoire du Nord sur le Sud, n’était pas encore rentrée dans les mœurs et surtout était loin d’être renforcée par les états. Or en cette année, il y avait des élections, gagnées par les Républicains, mais contestées par une partie de la population surtout des Noirs. Des groupes de Noirs envahirent l’hôtel de ville et une milice d’hommes blancs vint les déloger. Pendant la confrontation, trois Blancs furent tués. Les Noirs eurent un certain nombre de morts. Les autres Noirs se rendirent. Les Blancs les emmenèrent hors de la ville et à coups de canon et de fusils les massacrèrent. On estime à 150 le nombre de tués parmi les noirs. Ce « massacre de Colfax » donna lieu à des débats sur le droit des Noirs. Le gouvernement fédéral de Washington ordonna l’arrestation des Blancs mais seulement neuf d’entre eux furent arrêtés. Un procès eut lieu en 1875 suivi de près par toute la presse. La défense et le procureur s’affrontèrent violemment et le procès sembla s’éterniser. Le verdict créa une surprise et un malaise : le tribunal rendit un non-lieu. Il rendit même la loi anti Ku Klux Kan anticonstitutionnelle. Le juge Joseph Bradley ( membre de la Cour Suprême) qui assistait aux débats, intervint pour faire libérer les Blancs. La Cour Suprême, plus tard, confirma le jugement.

C’est ainsi que la loi du port d’armes fut non seulement confirmée mais qu’elle autorisait aussi l’utilisation des armes pour régler un conflit politique. Tous les procès (des centaines) qui suivirent, allèrent tous dans le même sens : le droit donné au peuple de garder et de porter des armes et de s’en servir en cas de légitime défense ou pour protéger ses convictions politiques et religieuses. Les premiers protestants qui avaient débarqué sur le nouveau continent, s’étaient retranchés derrière le droit anglais pour s’armer et se défendre contre tout danger (en particulier contre les Indiens). Ce droit datait de 1689 et permettait de se servir d’une arme pour légalement défendre sa vie.( « Legally defensible rights to life »)

De plus l’amendement autorisait la constitution de milices, nécessaires à la sécurité d’un état libre. Des milliers de groupes se formèrent et les plus célèbres furent les « Minutemen » à la réputation plutôt sulfureuse. Dés 1645, il y eut dans les colonies britanniques, la formation de groupes armés pour défendre les nouveaux émigrés. L’un d’eux prit une place importante : Massachusetts Bay Colony et servit de corps de police et d’armée privée. Il ne faut pas oublier qu’il n’y avait à l’époque, aucun corps constitué, type gouvernement avec autorité et finances pour entretenir une armée régulière. C’étaient aux habitants de se défendre seuls contre toutes menace. Peu à peu alors que le peuple des colons souhaitait une séparation avec la mère patrie, l’Angleterre, l’organisation de milices s’accélérait. Les membres sélectionnés pour entrer dans ces formations, s’appelèrent les « Minutemen » puisqu’ils étaient capables de répondre immédiatement (dans la minute) pour faire face à un danger. Le plus célèbre d’entre eux entra dans la légende quand, à cheval, il parcourut les villages proches de Boston pour prévenir de l’arrivée des « red coats »  les vestes rouges des Anglais. Son nom : Paul Revere.

Cette tradition d’organiser des milices (Militia) demeure aux Etats-Unis et, à moments réguliers, s’intensifie lorsque une couche de la population pense que ses droits sont mis en péril. Cette époque est présente car une partie des Américains n’accepte pas l’élection d’un Noir comme président des Etats-Unis. Il y a un vif ressentiment qui peut se traduire par un massacre comme celui de Tucson où était visée l’image même de l’autorité.

 

Dans mon livre « Ilkya », deux longs chapitres expliquent la montée d’une telle haine parmi les « loners » ou parfois membres d’un groupe armé.

Dans ce maelstrom anti gouvernemental qui bouillonne un peu partout dans les Etats-Unis, certains états ont une grande notoriété pour accueillir individus rebelles ou milices dangereuses : MichiganMontanaIdahoArizona. Le droit de porter des armes est accordé tant que le porteur de l’arme n’a pas donné des raisons de lui supprimer ce droit. Il est évident qu’à présent cet homme de 22 ans qui a tiré sur la représentante du Congrès aura perdu ce droit mais non sans avoir auparavant utilisé son arme pour faire preuve de sa haine et de ses revendications.

Ce droit, j’ai eu l’occasion d’en discuter longuement pendant mes nombreuses années en Amérique. C’est un droit inaliénable et la grande majorité du peuple (démocrates ou républicains) l’approuve et le considère comme essentiel à la survie de chacun. Rares sont les familles qui n’ont pas une arme à la maison soit comme objet de loisir : chasse, stand de tir, collection, soit pour de défendre d’un cambriolage ou d’une agression. Obtenir une licence pour porter une arme est un jeu d’enfant comme le prouve ma propre licence obtenue, sans aucune vérification d’un casier judiciaire,  des autorités de l’état de l’Illinois. Je peux, avec ce document, me rendre dans n’importe quelle exposition comme celle de Las Vegas, la plus importante et la plus soutenue par la NRA ( National Rifle Association dont l’acteur Charlton Heston fut longtemps le président), qui se tient tous les ans, et rentrer chez moi avec un Glock (arme semi-automatique qui a servi à tirer sur la membre du Congrès Gabrielle Giffords).
Le massacre de Tuscon est en réalité un infime fragment d’une longue fresque panoramique de l’Histoire des Etats-Unis. Cet élément très controversé à l’étranger, paraît comme une fatalité en Amérique, l’acceptation d’un risque, l’abus d’un droit par une minorité et aucun homme politique ne se risquerait, s’il veut être élu, à proposer l’abolition du 2e amendement de la Constitution.

D’ailleurs Gabrielle Giffords, le membre du congrès, grièvement blessée en pleine réunion publique, avait défendu lors de sa campagne, le droit de porter une arme et elle-même en possédait une (un Glock 9 millimeter, le même qui a servi  contre elle, d’après le New York Times !! ) Gabrielle Giffords, au cours d’un entretien en 2009 avec ce même journal, déclara : « I have a Glock 9 millimeter and I am a pretty good shot ! » (Je possède un Glock 9 mm et je suis une bonne tireuse).

Funeste déclaration : elle était blessée avec le même type d’arme, un an plus tard !

En Arizona, ne pas accepter cette vérité, hélas triste pour nous Français, est un véritable suicide politique ! Car dans cet état, il n’y a pas même besoin d’une licence ou d’une autorisation pour posséder une arme. Je l’ai vu de mes propres yeux avec des amis du côté de Phoenix : ils portaient une arme sur eux pour aller au restaurant, au bar ou même au boulot. Le juge fédéral tué était membre d’un club de tir.  Le chirurgien qui aida à l’opération de Giffords est lui-même membre du célèbre club, Pima Pistol Club.

Alors comment demander – imposer- aux habitants de l’Arizona qui ont tous une arme à la maison d’abolir le deuxième Amendement ?

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