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Hiram Binghamn « découvreur » de Machu Picchu

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Le 24 juillet 1911, guidé par un indien, Melchior Arteaga, Hiram Bingham, après une ascension périlleuse, parvient sur le plateau étroit où se trouve Machu Picchu. Il découvre alors des ruines impressionnantes recouvertes d’une végétation intense.

Par André Girod 

Il est des noms qui intriguent. Ils sont prononcés rarement et à des occasions bien précises. Qui dit Howard Carter dira Toutankhamon et la découverte de son tombeau. Et où placer Jean Clauzel, Maurice Queyroi, Louis Périer et Marcel Ravidat sinon dans la grotte de Lascaux ?

A quel site est alors attaché l’explorateur américain, Hiram Bingham ? D’abord son nom n’est pas facile à prononcer donc à retenir. Puis il a une lignée qui explique un peu sa passion. Hiram ( troisième du nom) est le blanc qui, pour la première fois, retrouva les ruines du site sacré inca : Machu Picchu au cœur des Andes ( 1911). Cependant à la suite de son exploration publiée dans le magazine « National Geographic », plusieurs européens clamèrent qu’ils avaient vu le site avant Bingham. En tout cas, un seul nom est rattaché à cette découverte : Hiram Bingham.

Son vrai nom était Hiram Bingham III. Selon la tradition des familles aristocratiques américaines, la lignée avait une continuité grâce à la numérotation des prénoms. III indique qu’il était le troisième de cette famille à porter le prénom Hiram. D’ailleurs il poursuivra lui-même cette tradition en appelant l’un de ses sept enfants : Hiram IV. Suite royale, succession de la noblesse d’antan, toujours est-il qu’à la fin du 19e siècle, les parvenus américains, ceux qui avaient réussi à se faire un nom ou à amasser une certaine fortune, rêvaient de s’accorder des titres de noblesse, vrais ou faux. Vrais lorsque l’une de leurs filles épousait  le fils d’une famille noble européenne mais complètement désargentée, faux lorsqu’on imagina se créer une lignée en numérotant les prénoms des garçons ou en ajoutant «  senior ( Sr) » ou « Junior ( Jr) » au prénom comme les acteurs de cinéma.

Hiram III est né à Honolulu, dans l’île de 0’ahu, Hawaii, le 19 novembre 1875. C’était déjà toute une aventure de naître dans cette île à la fin du 19 e siècle, puisque ce fut le seul et unique royaume jamais rattaché aux Etats-Unis lorsqu’Hawaii devint le cinquantième état, le 21 août 1959, presque jour pour jour, ma date d’arrivée à New York.  Etat nouveau mais qui avait ses particularités : loin du continent, perdu en plein océan, ancien royaume, descendance lointaine et surtout le seul état à avoir été longuement phagocyté par les Etats-Unis. En effet pendant près de cent ans, l’idée de confisquer la terre aux indigènes venait de missionnaires américains dont le grand-père Hiram I et le père de Hiram Bingham, Hiram II. L’enfant qui naquit à Honolulu n’est en réalité qu’un enfant d’émigré américain et sur une terre étrangère. Il avait la nationalité américaine par lien familial, de sang et non par son lieu de naissance.

Quelques mots sur le grand-père, celui qui lança sa lignée : Hiram Bingham I. Sa carrière est liée surtout à l’archipel des «Sandwich Islands» (les Iles Sandwichs) comme étaient connues les îles Hawaii depuis leur découverte par James Cook en 1778. James Cook nomma ces îles «  Sandwich Islands » non pas pour leur commodité culinaire  mais en l’honneur de John Montagu, Earl of Sandwich, Angleterre. Mais ces îles lui furent fatales puisqu’il fut tué sur une des plages nord de O’ahu en 1779.

Très vite ces îles parurent intéressantes et surtout convoitées par de nombreuses nations : la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Japon et les Etats-Unis. Elles étaient une étape incontournable entre la côte ouest de l’Amérique et l’Asie, à travers le Pacifique. Les bateaux, chasseurs de baleine s’arrêtaient souvent une semaine ou deux pour permettre aux durs marins privés de vie sociale et sexuelle, de se défouler auprès des nombreuses prostituées hawaïennes. La culture de ces îles, en réalité, encourageait les femmes à offrir, même mariées, leurs services à ces braves marins.

D’où de nombreuses expéditions envoyées de France, d’Angleterre, des Etats-Unis pour explorer,  exploiter et surtout convertir. Mais ce sont les missionnaires protestants  américains ( c’était la nation importante la plus proche) qui envahirent les différentes îles pour y apporter la bonne parole de l’Evangile. Hiram I fut l’un des premiers à y être envoyé par le « American Board of Commissioners, Foreign Missions », l’équivalent de nos «  Missions Etrangères ». Hiram I quitte Boston avec sa famille ( il aura de sa seule femme, 13 enfants, familles très nombreuses à l’époque), le 23 octobre 1819 sur le voilier Thaddeus et arrive à Honolulu le 30 mars 1820.

En cette année-là, régnait le roi Liholiho ( devenu Kamehameha II) qui, avec l’aide de chefs de tribus, avait réussi à unifier les îles. Pendant le voyage, Hiram s’était, par sa ténacité et son charisme, imposé comme chef de la délégation. Alors dés son arrivée, Hiram I instaura un régime digne des églises fondamentalistes. Il écrit dans ses mémoires : «  L’apparence de destitution, de dégradation et de barbarisme parmi ces sauvages nus fit détourner la tête à plusieurs membres de mon groupe. ». La cour du roi Kamehameha II/Liholiho elle-même était  des plus répulsive. Le roi était souvent ivre, vivait dans le plus horrible péché avec ses cinq femmes dont deux avaient appartenu au roi précédent, Kamehameha I et une, sa demi-sœur. La journée se déroulait dans les plus vicieux plaisirs : danse de hula, chasse, pêche, fornication à toute heure du jour et de la nuit. Dieu avait du boulot pour ramener ces sauvages dans son giron. Et Bingham s’y attela avec ferveur et souvent brutalité : la prostitution et l’alcool furent interdits, ce qui mécontenta fortement la population car pour elle, ces deux activités représentaient sur leurs îles ce qu’il y avait de plus intéressant dans la vie ! D’où le rappel du «  King Bingham des îles Sandwich » comme Bingham devint connu. Il fut rapatrié vers les Etats-Unis en 1840 pour interférence avec politique,  mœurs et coutumes des indigènes ! Mais avant de partir, il avait eu le temps de traduire la Bible en Hawaïen et surtout créé un système d’écriture pour transcrire la langue hawaïenne qui n’était qu’orale.

Son fils Hiram Bingham II revint comme missionnaire à Honolulu et donna naissance à la troisième génération : Hiram Bingham III, notre explorateur sud Américain.

Le quatrième de la série, Hiram Bingham IV devint consul à Marseille pendant la deuxième guerre mondiale.

Pas étonnant alors que Hiram Bingham III, celui qui nous intéresse, devienne à son tour missionnaire, explorateur puis politicien. Il y avait encore tant à découvrir de par le monde !

Hiram III fait ( comme Obama) une partie de sa scolarité dans l’île 0’ahu puis arrivé au niveau universitaire, est envoyé dans les meilleurs établissements de la côte Est : Yale ( 1898) Harvard ( 1905) où il obtient un «  PhD », équivalent d’un doctorat. Comme professeur d’histoire à Harvard, il entend parler d’une cité mystérieuse, perdue dans la jungle quelque part au milieu des Andes. Il part donc en expédition d’abord au Chili et à son retour, s’arrête au Pérou où il devient persuadé que cette cité sacrée existe bien.
En 1911, il retourne avec une expédition montée par l’Université de Yale. Le 24 juillet 1911, guidé par un indien, Melchior Arteaga, Hiram Bingham, après une ascension périlleuse, parvient sur le plateau étroit où se trouve Machu Picchu. Il découvre alors des ruines impressionnantes recouvertes d’une végétation intense ( la nature après l’abandon par les hommes de monuments de pierre, Angkor, les pyramides Mayas, reprend sa force et le terrain). Il constate que ce lieu a été délaissé depuis des siècles mais retrouve des vestiges ( près de 40 000 selon le gouvernement péruvien qui les réclame dernièrement).

Il revient aux Etats-Unis et fait part de sa découverte dans de nombreux articles puis rédige un livre : « Lost City of the Incas » dans lequel il raconte son périple et ses aventures dans cette région. Le livre a un immense succès, car en ces années-là, toutes explorations et découvertes soulevaient un enthousiasme et une curiosité extraordinaires de la part des savants mais aussi des personnes éduquées.

Il faut dire que  celui qui, pour la première  fois, met le pied à Machu Picchu,  a sous les yeux, un paysage des plus grandioses qui soient. De tous mes voyages à travers le monde, j’ai eu le coup de cœur pour cette cité. Surtout que les vestiges étaient encore ignorés du grand public car le coût des voyages était élevé et l’accès, par la vallée de l’Urubamba, difficile.  C’était en juillet 1959, bien avant l’apogée du tourisme de masse. J’avais déjà parcouru le Pérou en train, autocar, jeep, à pieds avant d’arriver à Cuzco. Un petit train indigène suivait la magnifique vallée de l’Urubamba et me déposa à Aguas Calientes, un cabanon qui servait de gare. Une montée vertigineuse de près de trois kilomètres et les ruines déjà bien dégagées. Ce qui m’avait plu en cette journée et nuit passées à Machu Picchu, c’est que je suis resté tout seul pendant vingt quatre heures à dormir à la belle étoile et me perdre dans le dédale des rues en pente ou en escaliers. J’ai eu cet extrême plaisir de vivre une journée comme seul habitant de la cité.

Or à l’heure actuelle, Machu Picchu est sur la liste des sites en péril, tellement il est piétiné et fréquenté : plus de deux mille personnes par jour défilent  à suivre les explications usées de guides, à s’acheter du Coca-cola et des chips à des machines et à faire la queue aux toilettes. Pauvre Hiram, il s’en retournerait dans sa tombe.

Mais quelle vue depuis la terrasse du Machu Pichu ! Cette cité sans doute construite en 1450 lorsque l’empire Inca resplendissait en Amérique du Sud, a disparu cent ans plus tard, à l’arrivée des Conquistadors espagnols.

Rentré aux Etats-Unis, Hiram Bingham III s’engagea dans l’armée ( 1914) et s’intéressa de près à l’aviation naissante. Il créa une fameuse école de pilotage pour former les jeunes de l’armée de l’air américaine. Puisque tout semble mener à la politique aux Etats-Unis lorsque vous atteignez un certain degré de notoriété ( John Glen, astronaute devint sénateur de l’Ohio), Hiram Bingham III se lança dans une campagne électorale et fut élu sénateur du Connecticut de 1924 à 1933. Il participa à la Seconde Guerre mondiale comme instructeur dans des écoles de la Marine.

Hiram mourut le 6 juin 1956 et est enterré dans le cimetière national d’Arlington, Washington.

On ne peut séparer par conséquent Machu Picchu du nom de Hiram Bingham. Sa découverte fit de lui un personnage de légende et ses exploits servirent de fil conducteur aux films d’Indiana Jones.

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