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La Route 66 et les Routes Américaines

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Où retrouver et circuler sur des portions de la Route 66 ? Très difficile car la Route 66 a disparu des cartes en 1985. Une « National Historic Route 66 Federation » a été créée pour préserver certaines portions de la Route 66. Mais la portion qui est devenue la plus connue va de Seligman, Arizona à Kingman, Arizona. Facile a trouver, elle donne une excellente idée de ce qu’était la « Mother Road » de John Steinbeck ou la « Main Street of America » dans les années trente.

Par André Girod

Si la Nationale 7 était en France la route des vacances depuis le Front populaire, aux Etats-Unis, une route devint très vite légendaire, dés les années vingt. Plusieurs raisons à cet engouement et à la préservation du mythe.

Une voiture aida à rendre cette voie populaire : la T- Model Ford. Elle fut fabriquée dans la région de Detroit, Michigan de 1908 à 1927. Detroit s’honora alors d’être la capitale de l’automobile aux Etats-Unis avec toutes ses villes satellites : Flint, Dearborn, Pontiac, Ypsilanti. Henry Ford, le fondateur de la firme, voulait une voiture simple, bon marché pour tous. Il innova une production de masse et produisit son Model T Ford à plus de  quinze millions d’exemplaires. «  I will build a car for the great mutitude ! ». Et il réussit. La vente des Model-T Ford fut dépassée seulement en 1972 par la vente de la « Beetle », Volkswagen.

Alors se développa un réseau de routes qui sillonnèrent tout le pays. Un concours de circonstances fit qu’une route en particulier se fit remarquer non seulement par sa distance mais surtout par le trafic qui l’utilisait. C’est la Route 66 qui relie Chicago à Los Angeles soit près de 4 000 kilomètres. Elle part de Jackson Streetdans le Loop de Chicago ( « Loop » veut dire boucle car le métro «  CTA system » forme une boucle qui cerne le centre ville). Le Loop existe depuis la mise en service du premier tram tiré par des chevaux (1859). Après l’incendie de la ville en 1871, le cheval est remplacé par un câble (1882) (comme à San Francisco qui a conservé son mécanisme)  puis par l’électricité ( 1890) et enfin par le moteur à essence en 1917. Le Loop tel qu’il est connu à présent est un métro sur piliers et il date de 1897.

 

La route 66 plonge vers le sud puis vers l’ouest afin d’éviter les difficultés de franchissement des Rockies ( Montagnes Rocheuses) et à travers les états du Sud ( OklahomaTexasNew Mexico et enfin la Californie), puis se termine à Los Angeles.

 

Or dans les années 1929/1930, un fléau frappa l’Amérique en plein cœur : la « Great Depression », le crach de la bourse et la chute de l’économie. S’ajouta à ce désastre économique, un cataclysme naturel : la sécheresse qui transforma le Midwest, états autour de Chicago en «  Dust Bowl », région de terres fertiles devenues arides et poussière. Les fermiers ( farmers) ruinés abandonnèrent leur ferme et partirent sur la seule route qui menait droit vers le soleil et l’espoir : la route 66. L’écrivain John Steinbeck dans son livre «  The Grapes of Wrath » ( Les Raisins de la colère) décrit fort bien cet exode qui lança sur les routes une multitude de gens qui voulaient chercher un avenir ailleurs.  C’est  « la route mère , la route de la fuite. » Bobby Troop la chanta : « Get your kick on Route 66 »  ( Eclate-toi sur la route 66)

Cette fameuse route 66 qui inspira écrivains, chanteurs, cinéastes, devant le progrès, disparut peu à peu. Elle est à présent, très peu visible sauf pour des secteurs de centaines de kilomètres préservés par des associations ou par les états pour des raisons touristiques. Au cours de mes nombreuses années en Amérique, j’ai souvent eu l’occasion de la prendre surtout dans les années 59/60 car elle était encore fort fréquentée pour voyager de Chicago à Saint-Louis, route que je faisais souvent.

Mais l’arrivée d’un autre système de circulation pour les automobiles finit d’achever l’utilisation de cette route légendaire. Dans les années 58/61, le président des Etats-Unis, Dwight Eisenhower lança un vaste programme de construction d’autoroutes appelé le «US Highway System » qui remplaça peu à peu ces routes sinueuses, étroites qui traversaient villages et villes. La HY 55 fit disparaître la Route 66 dés 1970 de Chicago à Saint-Louis et la HY 80 de Chicago à Joliet. Dans les autres états, la HY 40 la mit au rencart dans le Nouveau Mexique. Toute la panoplie d’hébergements, de restaurations ( Motels, Diners) le long de la Route 66,  périclita puis fut laissé à l’abandon.

A présent, le « Highway System » permet de traverser les Etats-Unis dans tous les sens avec sécurité et rapidité quoique la vitesse soit très limitée : elle fut longtemps de 55 miles ( 90 kilomètres à l’heure) puis devant le mécontentement des automobilistes qui souvent la dépassaient, elle fut de 65 M/H (105 km/h). Certains états rebelles comme l’Arizona, le Nevada, l’Utah permettent une vitesse de 75MH ( 120 km/h) ce qui est encore en dessous des normes européennes. Au début, le système d’autoroutes surprend le Français car il est vite dépassé par la signalisation. Il ne faut surtout jamais l’oublier, quand on parle de l’Amérique, de l’origine de ce pays, dix sept fois la superficie de la France avec une densité quatre fois moindre ( USA : 30/ km2, France : 120/km2) : les données ne sont pas les mêmes donc les solutions diffèrent. Dans les vastes étendues de l’Ouest américain où les villes sont rares, on ne peut indiquer le nom de celles-ci comme points de repères sinon à leur approche. Alors on se sert comme le faisaient les pionniers de la boussole, des points cardinaux et des directions Nord/Sud et Est/Ouest. La numérotation est basée sur ces réalités.

 

Les autoroutes comme les routes secondaires sont numérotées selon leur direction : les voies qui vont du Nord au Sud portent un numéro IMPAIR. La US HY 55 va de Chicago vers Saint-Louis puis la Nouvelle Orléans (New Orleans) via Memphis (Tennessee). Par contre, celles qui vont d’Est en Ouest ont des numéros PAIRS :  la US HY 80  traverse l’Amérique de New York à San Francisco via Chicago (Illinois), Des Moines (Iowa), Salt Lake City (Utah) et Sacramento ( California).

 

Si je nomme ces deux « Highways » c’est qu’à mes yeux, elles représentent les deux grands axes surtout la 80. La 80 remplace souvent une autre route mythique dont on parle moins, la US Route 30.

 

Maintenant, on peut ajouter une petite complication pour discerner si l’on va vers l’Ouest ou l’Est, vers le Nord ou le Sud. Facile alors de comprendre : sur la pancarte il est indiqué 80 W, cela indique que vous prenez la 80 vers l’Ouest, vers San Francisco. Pour 80 E, vers New York même si cette ville n’est jamais portée sur le panneau. 55 S va vers New Orleans et 55 N va vers Chicago.

 

A vos cartes et amusez-vous à nous dire vers quelle grande ville va la 90W ? La 75 S ?  La 40 W ?  La 25 S ? La 57 N ?

 

Poursuivons notre jeu : lorsqu’un « Highway » approche d’une ville, il y a souvent un contournement pour éviter le centre ville très encombré. Cela se fait aussi en Europe. Alors deux façons de reconnaître cette déviation : placer les chiffres 1, 2, 3, 4 ou 5 devant le numéro de l’autoroute : La 355 quitte la 55 pour contourner Chicago. La 405 contourne Los Angeles. La 476 évite Philadelphia.

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Où retrouver des portions de la Route 66 ?  Très difficile car la Route 66 a disparu des cartes en 1985. Une «National Historic Route 66 Federation» a été  créée pour préserver certaines portions de la Route 66.  Mais la portion qui est devenue la plus connue va de Seligman, Arizona à Kingman, Arizona. Facile a trouver et elle donne une excellente idée de ce qu’était la « Mother Road » de John Steinbeck  ou la «  Main Street of America » dans les années trente. Pour la prendre suivre la «  Interstate 40 ». Je la prenais toutes les fois que je visitais mes écoles de l’Arizona ( Flagstaff, Phoenix, Sadonna, Scottsdale et bien d’autres). C’était un formidable moment de détente, un retour nostalgique à mes débuts de 1959 dans cet état.

 

Une autre portion m’attire souvent : celle de Californie autour de Glendale près de Los Angeles. Elle va de San Bernardino à Pasadena. Un troisième exemple : autour de Santa Fe, New Mexico.

Qu’y voit-on le long de cette Route 66 ? Il y a plusieurs catégories de vestiges : les motels, les restaurants ( diners et fast food), les stations à essence et divers magasins.

Les motels : pour permettre de se reposer au cours d’étapes relativement courtes, les voitures ne roulaient pas très vite et la chaussée n’était pas toujours en bonne condition, les motels se sont construits nombreux. Assez peu de chambres et d’un confort tout sommaire. Il en subsiste quelques uns. Je pense à celui de Carthage près de Saint-Louis qui s ‘appelle le «  Boots Motel ». Dans le Texas le thème du  » cow-boy  »  est souvent utilisé pour nommer un motel : le «  Bailey’s Motel » à Amarillo, TX présente un lasso  et celui de East Amarillo s’appelle le «  Spur Motel » ( Motel de l’éperon). A Shamrock, TX le fameux U Drop Inn récemment restauré. Dans l’état de l’Oklahoma, à Canute se trouve le « Cotton Boll motel » avec ses néons « flashy ». Au Nouveau Mexique, pays des mustangs sauvages, le « Palomino Motel » à Tucuman ne peut qu’attirer l’attention avec son cheval de lumière rouge.

La plupart de ces motels ont été réhabilités et sont ouverts au public à des prix allant de $ 50 à $80.

 

Diners : Dormir ne suffit pas quand vous voyagez, il faut se restaurer. Là les « diners »  et les «  fast food stands » étaient très nombreux et peu espacés. Le plus célèbre est évidemment celui qui devint la chaine  la plus connue au monde : McDonald, le fameux McDo !  Le premier fut construit en 1940 par les frères Richard et Maurice McDonald à San Bernardino. Mais ses arches dorées n’apparurent qu’en 1961. Très peu de restaurants ont survécu au déplacement des véhicules vers les « Highways ».

 

Il en reste sur la portion Seligman/Kingman. L’un d’eux est le « Snow Cap drive in » qui sert des classiques ( hot-dogs et hamburgers) à une vitesse record !

 

Filling Stations : appelées aussi «  Pump stations », stations à essence. Absolument nécessaires le long de la Route 66 puisque les voitures américaines des années cinquante étaient gourmandes en carburant, jusqu’à 25 litres aux cent. Aux Etats-Unis le calcul de l’efficacité du carburant est calculé différemment de la France. En France c’est la consommation pour faire cent kilomètres. Aux Etats-Unis, c’est la distance parcourue avec un « gallon » d’essence. Un gallon US vaut 3,78 litres. On veut savoir combien de miles ( 1 mile = 1,6 kilomètre) sont parcourus avec un gallon. Exercice de CM2 :  une voiture parcourt 22 miles avec un gallon US , quelle est la consommation de la voiture en mesure française ( sur cent kilomètres) ? Et j’ajoute le prix du gallon à l’heure actuelle : 3 dollars 50 cts au taux d’un dollar pour 1 euro, 30. A vos calculatrices ! Question subsidiaire : combien coûte un litre d’essence aux USA ?

 

Le long de la Route 66 avant la guerre, le gallon coûtait environ 5 cts et l’essence étant extrêmement bon marché, les grandes firmes américaines ( Ford, General Motors, Chrysler, De Soto, AMC) ne firent aucun effort pour améliorer la consommation de carburant… jusqu’à l’arrivée des voitures japonaises !

 

 

Cette route devenue parcours en pointillé a été sauvée de justesse par des nostalgiques des années trente et des années tout de suite après la guerre WWII, devant l’apparition des tentacules en béton d’un nouveau système de transport mis en place.

 

En juin 1960, lorsque je partis de Appleton Wisconsin pour Los Angeles, il n’y avait pas d’autres voies que les Routes 66 et  30 pour le faire. J’avais quitté la 66 vers Flagstaff ( Arizona) pour prendre la 180 en direction du Grand Canyon puis vers tous les parcs nationaux et revenir vers le sud pour la rattraper vers Barstow CA. Trois mois au volant d’une Ford Falcon à suivre son instinct et ses coups de cœur. Arrivé à San Francisco en route vers les îles du Pacifiques et l’Australie, je vendis la Falcon pour 1.900 dollars à un garage Ford. Puis je m’envolai vers Hawaii !

 

Dire à ce moment-là que c’était un voyage exceptionnel serait un peu exagéré. C’était l’unique moyen de se rendre en Californie même si déjà apparaissaient au loin d’immenses nuages de poussière, non pas soulevés par la sécheresse mais par une multitude d’engins qui raclaient, nivelaient, comblaient, creusaient de larges terrains qui allaient devenir les autoroutes des années 70/80. Personne n’y faisait attention, les zones de construction se retrouvant partout, dans les champs, près des grandes villes, autour des villages. L’Amérique était en pleine effervescence et le progrès avançait à pas de géant, écrasant tout sur son passage, inclus la Route 66 ! C’est aussi avec nostalgie que de temps à autre, je reprends la N7 de mon enfance pour aller en vacances dans le Jura !

 

Pour ceux qui vont aux Etats-Unis maintenant, il reste de nombreuses petites routes à prendre entre des sorties d’autoroute. L’une de mes préférées suit la côte du Pacifique de San Francisco à Los Angeles : c’est la Route 1. Sublime, extraordinaire. Si vous avez le temps, arrêtez-vous à San Simeon et visitez  le « Hearst Castle »  de jour ou de nuit. Remarquable ! La Route 191 qui traverse l’Utah ! La 131 dans le Michigan qui passe par Kalkaska ( Festival de la truite) pour passer au Canada par le Pont Mackinac. Et bien d’autres ! J’ai eu la chance, de par mes responsabilités, de visiter les cinquante états par les chemins les plus détournés pour recruter des systèmes scolaires dans mon programme de la «  Classe franco-américaine ». Et je choisissais ces routes de préférence aux autoroutes quand j’avais le temps. Je faisais tout pour le trouver ce temps, secret du bonheur !

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