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Caucus, Primaires, Quelques explications…

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Un sujet est à la mode aujourd’hui dans le monde politique français mais peu savent exactement ce en quoi consistent l’intention et la démarche des partis : ce sont les primaires tant pour le parti socialiste que pour les autres partis en général.

Par André Girod

Un sujet est à la mode aujourd’hui dans le monde politique français mais peu savent exactement ce en quoi consistent l’intention et la démarche des partis : ce sont les primaires tant pour le parti socialiste que pour les autres partis en général.

Comme les « fast-food », les «  compilations », les  «  reality shows », les «  primaries »  nous viennent des Etats-Unis. Dans la sauce à la gauloise, on ajoute une pincée de sel, un peu de poivre, on secoue le tout et les « primaries » deviennent des « primaires ».

 

Pour bien comprendre ce qu’est cette tradition aux Etats-Unis, il faut revenir à son origine : la pré-sélection du candidat qui représentera son parti aux élections. D’abord, le principe peut s’appliquer en Amérique mieux qu’en France, car il y a toujours eu une lutte politique entre DEUX candidats principaux. Les rares exceptions comme Ross Perot ou George Wallace, n’ont jamais véritablement modifié le système binaire américain. C’est un combat permanent entre les « Democrats » et les « Republicans ». Même Ralph Nader, celui qui a mis à genoux General Motors et Ford, n’a jamais obtenu qu’une fraction d’un pour cent des votes. Et sa candidature n’a jamais effrayé les caciques des deux grands  partis.

Les résultats des dernières élections de 2008 le confirment :
Obama : 52,9%
McCain : 45,66%
Ralph Nader : 0,56%
Bob Barr ( Libertarian party) : 0,4%
Cynthia McKinney ( Green party) : 0,12%.

On voit que les Américains ne sont prêts à élire un Hulot yankee !

Or c’est dans l’état de l’Iowa que le coup d’envoi est lancé par le premier « caucus » tenu tout au début de janvier, date de lancement des élections. Par contre, c’est l’état de New Hampshirequi démarre la campagne avec la première «  primary ».

On mentionne le terme «  caucus » quelquefois en France mais sans savoir ce que c’est exactement. Essayons de montrer la différence entre un « caucus »   et une « primary ». J’utiliserai mon expérience pour éclairer cette question car j’ai participé à de nombreux «  caucuses » dans l’Iowa et dans des «  primaries » dans le Wisconsin et l’Illinois.

 

Commençons par ce qui paraît comme le début de la campagne présidentielle : l’élection des délégués, qui, au cours de la convention nationale  ( National convention, ah que l’anglais est facile !) des deux partis principaux, à la fin de l’été, choisiront le candidat pour défendre leur programme à l’élection présidentielle. Mais arriver à ce haut niveau de responsabilités demande une longue et difficile campagne.

 

« CAUCUS  »

Le terme explique une réunion où tout le monde parle haut et fort, ( « To gather together and make a great noise » – noise : presque le même sens que dans «  chercher noise » tellement on a l’impression que tout le monde est prêt à en découdre !), un peu le mélange du café du commerce et du « totocalcio » en Italie ! Le but de ce rassemblement est de désigner un représentant pour aller défendre leurs idées à la prochaine étape.

Dans l’Iowa, le bas de l’échelle commence  au niveau du « Ward » qui correspond à un îlot, un bloc de maisons. L’Américain se sert du mot « block » pour indiquer un carré de résidences de cent mètres sur cent mètres environ. Des amis ou des sympathisants se réunissent pour écrire un début de programme politique et élire celui ou celle qui les représentera au niveau «  precinct ». Tous ceux qui regardent les séries policières américaines ont entendu ou vu le mot «  precinct ». Cela représente un quartier ou un arrondissement dans une grande ville. Et il y a un «  police station » dans chaque «  precinct ». Puis un délégué est envoyé au « caucus «  du « county », pour nous, le canton. Il y en a 99 dans l’état de l’Iowa. J’habitais à Cedar Rapids dans le «Linn County ». Enfin les délégués élus vont choisir les délégués à l’échelle de l’état pour se rendre à la Convention Nationale pour la dernière sélection : le candidat présidentiel.

Ces étapes sont obligatoires pour valider les délégués officiels.

Alors un vendredi soir, au début de janvier 1968, dans la maison que j’occupais, j’invitai un groupe de collègues, professeurs à Coe College, certains de mes étudiants et des amis proches du parti démocrate à venir discuter de l’avenir des Etats-Unis. Je n’avais personnellement pas le droit de vote comme simple résident, ma carte verte me donnant tous les avantages d’un Américain sauf le droit de voter, mais je pouvais servir d’hôte à ce genre de réunion. Nous étions environ une trentaine. Des hors d’œuvres avaient été préparés et l’on servait de la bière, du vin et d’autres boissons non alcoolisées. Ambiance bon enfant, souvenirs des uns, anecdotes des autres comme cela se faisait à des soirées entre amis. Puis un membre du parti démocrate connu dans le coin, prit la parole en essayant de diriger les débats. Or parmi nous, se trouvaient des représentants du parti républicain comme ils avaient le droit d’assister à ces rencontres. Si certains avaient été invités c’était une façon de voir ce qu’ils préparaient de leur côté. Il n’y eut aucune objection. Je me demande ce que diraient les socialistes s’il y avait des partisans du Front National dans de telles réunions. Mais ici, cela ne sembla poser aucun problème. Nous verrons que dans les « primaries », la présence des membres du parti de l’opposition fait partie d’une stratégie politique.

En 1968, la situation était tendue : la guerre du Vietnam faisait rage et le président en place, Lyndon Johnson avait remplacé John Kennedy, assassiné le 22 novembre 1963. L’Amérique s’enfonçait dans le marasme asiatique. Les universités bougeaient, une opposition à cette guerre s’organisait, ce qui découragea Johnson qui, le 31 mars 1968, déclara officiellement qu’il ne serait pas candidat. Mais en attendant cette déclaration fracassante, les Américains opposés à la guerre voulaient un candidat qui se présenterait face à Johnson.  Aucun pourtant ne semblait faire le poids. Mais après la déclaration surprenante et inattendue du président en place, son vice-président devint le candidat démocrate : Hubert Horatio Humphrey qui souhaitait poursuivre la pacification du Vietnam à travers une solution militaire.

 

« PRIMARIES »

Dans les autres états, se mettaient en place les «  primaries » qui allaient aussi choisir les délégués à la Convention Nationale. Contrairement aux «  caucuses », les «  primaries » se déroulent en un temps : à un jour donné, les électeurs choisissent les délégués qui représenteront l’état à la grande convention, fin août. Des candidats en place, défendant au sein du même parti des idées et des propositions différentes, la masse des délégués élira celui qui ira au combat pour le vote de novembre. Or en 1968, plusieurs hommes s’affrontaient pour la nomination du  parti démocrate. Ils avaient suivi la même démarche, les mêmes meetings souvent dans les mêmes villes et affronter les mêmes auditoires. En piste, étaient le vice président de Johnson, Hubert Humphrey. Il continuerait la guerre du Vietnam. En face, un pacifiste pour mettre fin au conflit : Eugene McCarthy. Mais un larron dissident allait bousculer les résultats de l’élection : George Wallace. Le programme social de Johnson, en faveur des pauvres, avait effarouché l’aile droite sudiste du parti démocrate qui se remettait à peine du traumatisme de la « desegregation » de la fin de la discrimination raciale qui avait mis le sud à feu et à sang. Alors Wallace, gouverneur de l’état de l ‘Alabama, décida de se présenter aux élections présidentielles comme candidat indépendant. Cela était arrivé à diverses reprises mais sans succès.

Les «  primaries » étaient de plusieurs ordres :

«  Closed primaries » : uniquement les membres du parti pouvaient assister aux débats.

«  Open primaries » : n’importe quel électeur enregistré pouvait participer à l’élection du candidat. Cela donnait lieu à des votes d’influence : les démocrates votant pour le candidat républicain le plus vulnérable et vice versa pour les républicains. Il y avait ainsi interférence d’un parti sur l’autre.

«  Blanket primaries » : chacun votait pour un candidat pour chaque parti.

Quelque que soit le mode opératoire pour choisir les délégués, chaque état en a un nombre bien déterminé selon la population : l’Iowa, région rurale en a 7, la Floride 27, la Californie, l’état le plus peuplé, 55. Selon toujours une certaine formule établie par les états, le vainqueur part avec tous les délégués, ou partage avec l’autre candidat selon les proportions du vote ( Iowa).

L’importance de l’Iowa et du New Hampshire se voit dans la campagne car ces deux états sont une bonne indication de la tendance de vote. On dit que celui choisi par l’Iowa a toujours remporté les élections.  Mais que peuvent faire ces 7 délégués face aux grands états comme le Michigan, l’Ohio et la Californie. Et quelle importance ce vote face au

«  Super Tuesday », le deuxième mardi du mois de mars où 21 états du sud votent le même jour ?

La «  Democratic National Convention » eut lieu à Chicago du 26 août au 29 août 1968. L’ambiance était insurrectionnelle, la « National Guard » et la police étaient sur le pied de guerre car étaient venus à Chicago des milliers de manifestants prêts à affronter les autorités. Ils étaient mené par les «  Chicago Seven », sept opposants à la guerre du Vietnam : Abbie Hoffman et Tom Hayden (qui épousera Jane Fonda, l’égérie de l’opposition à la guerre) entre autres dirigèrent les opérations. La violence ne faisait que continuer celle de l’année 1968 : assassinat de Martin Luther King le 4 avril, celui de Robert Kennedy, le 5 juin. Violence à l’américaine avec armes à feu, grande tradition du Far West !

J’étais monté à Chicago et j’avoue que la journée fut terrible, gaz lacrymogène au centre de Chicago devant les grands hôtels, bagarres de rues, vitrines défoncées, comme cela se déroule à chaque manifestation monstre.

En 1968, Nixon, le candidat républicain emporta le trophée et devint le 37e président des Etats-Unis avec Spiro Agnew comme colistier.

 

Dans le groupe des amis qui avaient participé aux Caucus, ce fut une profonde déception. Le parti démocrate avait subi une défaite : les Américains n’avaient pas encore bien saisi l’étendue de la guerre au Vietnam. Nixon avait été élu avec  301 délégués, Humphrey, 191 et Wallace, 46.

On repartit pour un tour en 1972 mais avec une plus grande ferveur pour un candidat qui voulait la paix. Les manifestations dans les universités devenaient nombreuses et courantes. Le 4 mai 1970, au cours d’une confrontation entre les gardes nationaux et les étudiants à Kent State University, à Kent, Ohio, 4 étudiants furent tués. Ce fut une explosion de colère sur les campus. Je me souviens de mes étudiants qui quittèrent mes cours pour défiler dans les rues en traitant Nixon d’assassin. Plus de quatre millions d’étudiants se mirent en grève et obligèrent les universités à fermer. Il était temps d’élire un président qui mettrait fin au conflit. Mais c’était mal connaître la «  Silent Majority » ( majorité silencieuse) comme l’appelait Nixon, les Américains qui ne font pas de bruit. Il avait raison. Malgré une campagne vigoureuse où s’affrontèrent deux candidats démocrates : Edmund Muskie et George McGovern. Le soir de la «  Democratic National Convention » à Miami, Floride du 10 au 13 juillet, McGovern contre toute attente, fut désigné. Pourtant au début, il n’avait que 28% des délégués contre 36% pour Muskie. Mais devant la désaffection de Johnson, 36% des délégués étaient « uncommitted »,  sans attache à aucun candidat.

Mais l’élection était jouée d’avance : Nixon fut élu avec 520 délégués et McGovern, 17 ! Le dicton américain «  we do not change horses in the middle of the river » ( on ne change pas de monture au milieu du gué) avait joué à fond contre McGovern. Cette doctrine sera favorable aussi à George W. Bush pendant la guerre d’Irak !

Heureusement que les étudiants ne lâchèrent pas prise et sous l’énorme pression de leurs manifestations, Richard Nixon déclara qu’il chercherait une solution pour la paix. Malheureusement, il fut rattrapé par le scandale du Watergate et dut démissionner, le 9 août 1974. La joie se lut sur tous les visages des démocrates et surtout des étudiants à la rentrée. Mais j’avais quitté le milieu universitaire pour me lancer dans la fabuleuse aventure de la « classe franco-américaine ».

En effet Coe College trouvait mes méthodes un peu farfelues et avait refusé de renouveler mon contrat. Ce que les autorités considéraient comme inapproprié sur un campus anciennement presbytérien, était ma façon d’enseigner le français. Les résultats  reconnus avaient fait des jaloux parmi les enseignants qui offraient d’autres langues : allemand, espagnol, russe. Cette histoire est donnée dans un autre article.

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