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Le GPS : un instrument contre le vrai tourisme de plaisir ?

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Le tourisme doit inclure dans son concept la notion de temps. Qui dit temps de vacances ou de loisirs dit tourisme. Mais l’idée de visite peut comporter une grande variété d’attitudes. Ici nous n’en utiliserons que deux, les plus essentielles pour faire du tourisme. Et l’on verra que le GPS n’apporte une aide précieuse qu’à un type de touriste.

Par André Girod

«  On n’arrête pas le progrès ! » dit un fameux dicton. Mais qu’en est-il lorsque la technologie moderne nous détourne du droit chemin, sans penser faire là un jeu de mot ?

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Voyons d’abord la définition de GPS, sans entrer dans les détails trop techniques : « Global Positioning System ». C’est un système de communication qui se base sur les données de satellites pour indiquer la position d’un véhicule. En demandant ainsi la route à suivre pour aller d’un point A à un point B, l’appareil choisira la ligne la plus directe. Cela permet de ne pas perdre de temps à rechercher la destination et surtout montrera le chemin le plus court et le plus accessible pour parcourir le trajet.

 

Le tourisme doit inclure dans son concept la notion de temps. Qui dit temps de vacances ou de loisirs dit tourisme. Mais l’idée de visite peut comporter une grande variété d’attitudes. Ici nous n’en utiliserons que deux, les plus essentielles pour faire du tourisme. Et l’on verra que le GPS n’apporte une aide précieuse qu’à un type de touriste.

Ce dernier sera  du type « Telos » : il place un but précis à sa visite qui devient une fin en soi. Elle a une limite à laquelle cesse son intention. Elle n’a pas d’autre issue que la finalité du parcours. Dans l’Apocalypse 22 :13, il est dit : «  Je suis l’alpha et l’oméga et le dernier, le commencement et le «  telos » ( fin). »  Entre le départ et l’arrivée, le trajet est bien défini, les étapes bien établies, la ligne précisément dessinée.

Le touriste «  Telos » , la grande majorité des touristes , va suivre un itinéraire cogité à l’avance, sans écarts, sans improvisation. C’est le programme de tout «  tour opérateur » qui dans un souci d’efficacité et de rentabilité, va publier un catalogue où toute déviation sera évidemment monnayée.  Quant au touriste individuel qui prépare son parcours, il sera «  Telos », limité dans le temps et dans l’espace.

Alors apparaît l’utilité du GPS qui lui indiquera ses trajets sans fioritures, sans perte de temps et sans s’égarer sur des routes secondaires donc inutiles.

Le deuxième type de touriste sera le « Kairos» :  la traduction en latin est «  opportunitas » et l’on voit immédiatement la différence entre les deux : le « Kairos » saisira l’occasion due au hasard de se dévier de son chemin. Il se mettra hors du temps pour saisir l’instant fugitif soumis à l’imprévisible. Kairos était un dieu difficile à attraper puisqu’il avait une étrange chevelure : épaisse touffe de cheveux à l’avant et chauve à l’arrière. Il était difficile de «  le saisir par les cheveux » comme l’est l’occasion opportune que la plupart des touristes ignorent. Le Larousse encyclopédique donne la définition suivante : « Allégorie de l’occasion favorable, souvent représentée sous forme d’un éphèbe aux talons et aux épaules ailés ».

Le GPS est-il donc l’ennemi de cette «  occasion favorable » car rien dans son système n’est programmé pour le détourner de la trajectoire calculée par les satellites ? Les mathématiques prédominent et rien n’est plus « carré » que cette matière.

De plus les instructions données par l’instrument rappellent les ordres d’un sergent-chef même si la voix peut paraître un peu plus doucereuse ! Le «  tournez à gauche », le «  tournez à droite », le «  deuxième rue à gauche » n’incitent guère le touriste comme l’appelé à désobéir à de tels commandements.

Mais le GPS peut avoir des conséquences quelque peu malheureuses sur le tourisme. Un exemple flagrant illustrera cette affirmation.

Comme spécialiste des parcs nationaux américains, il est des statistiques intéressantes :

Il y a dans l’Etat de Californie, une immense forêt  «  la « Sequoia National Forest » qui abrite les fameux séquoias, ces arbres gigantesques qui impressionnent tant ceux qui les voient. Cette vaste étendue a été divisée par le NPS ( National Park Service) en deux entités différentes : le «  Kings Canyon National Park » et le « Sequoia National Park ». Or pour se rendre dans cette forêt, du nord, il faut prendre la route 180 qui vient de Fresno. Par contre, venant du sud, c’est la route 198 en provenance de Visalia. En utilisant le GPS pour trouver sa route, le touriste va demander à son appareil la direction de Visalia ou de Fresno. Fidèlement et sans état d’âme, la voix va dire : « Route 198, de Visalia puis 180 vers Fresno. » Vice versa , elle commandera de «prendre la 180 de Fresno puis la 198 vers Visalia ». Interrogés, plusieurs touristes dans le « Sequoia Park » confirmèrent qu’ils avaient bel et bien suivi les conseils du GPS. Nos braves touristes, comme des moutons, le petit doigt sur la couture du volant, suivront à la lettre ces instructions. Ils passeront ainsi devant «  l’occasion opportune »  de dévier d’une trajectoire directe pour aller admirer une partie unique de la forêt, le « Kings Canyon Park ».

En effet à l’entrée de la forêt, à l’embranchement de la 180 et de la 198, se trouve la bifurcation de la « Sequoia Park » et du «Kings Canyon ». Or les statistiques confirment que le GPS fait quitter la 180 pour prendre la 198, la voie la plus rapide pour rejoindre Visalia, où se trouvent les motels et les restaurants.

La beauté de l’un n’est pas supérieure à celle de l’autre. Pourtant lorsque l’on étudie les statistiques depuis 1906, l’étonnement est grand de constater que les deux parcs n’ont pas suivi la même courbe de fréquentation. Les chiffres officiels proviennent du site gouvernemental : www.nature.nps.gov/stats.

Voyons ensemble ce que révèlent ces «  stats » !

D’abord l’évolution du tourisme de masse :

Kings Canyon : 1906 :  900 visiteurs   1945 : 82 442    1960 : 759 600      2010 :   598.205

Sequoia Park :  1906 :  900 visiteurs   1945 : 137 875  1960 : 610 800     2010 : 1.002 979

Autant pour le tourisme de masse !

Mais la fréquentation est en baisse : année de fréquentation la plus élevée :

Kings :  1987 : 1.081.172

Sequoia : 1987 : 1.139.389

Plusieurs constats : le «  Sequoia  »  a d’abord ( 1906) eu la même fréquentation que le «  Kings » puis dés les années quarante-cinq attiré plus de visiteurs que le « Kings ». Dés l’ouverture des deux parcs au début du XXe siècle, les visiteurs, arrivés sur place, prenaient le plaisir de faire le tour des deux d’où, dans les statistiques, le même nombre de visiteurs en 1906. En 1945, la différence est nette déjà.

Mais la tendance s’inversa et en 1960 le « Kings » attirait plus de visiteurs que le « Sequoia ».  La différence était peut-être due à la route tracée dans le parc : ce fut l’année où je fis ma première visite dans ce parc. Je me souviens d’une route plus agréable, moins stressante qui se terminait par une fort sympathique promenade à pieds au fond du Canyon. L’attirance était plus forte du côté du Kings Canyon. Les visiteurs étaient peu enclins à tenter de parcourir trop de chemin dans ce qui deviendra la course aux National Parks que l’on voit à l’heure actuelle. Ils profitaient du lieu magnifique pour pique-niquer et prendre leur temps.

Pourtant dés le début des années 1980, la fréquentation du «  Sequoia » était de 10% supérieure environ à celle du «  Kings ». La mentalité et le plaisir de visiter n’était plus les mêmes. La meilleure condition des routes et des autoroutes permettait à présent d’augmenter le nombre de visites dans la journée. Le « fast food »  précipitait aussi la durée du repas. En 2010, les derniers chiffres montrent que la différence est presque de 50%.

Pourquoi puisque les deux parcs présentent exactement les mêmes caractéristiques ?

En arrivant sur la 180, à l’entrée des parcs, vous avez deux branches : la 180 traverse le Kings et la 198 prend le relais pour le Séquoia. Vous tournez à gauche pour le Kings et à droite pour le Séquoia. Même chaussée, même entrée sympathique, même plaisir de voir des arbres géants. Les centres pour visiteurs sont conçus sur la même architecture, les rangers ont le même uniforme, le même sourire, le même chapeau. Alors pourquoi la grande majorité tourne-t-elle à droite ?

D’après les rangers interrogés, ils ne s’expliquent pas le phénomène et pourtant en leur montrant du doigt, ils comprennent  et ils acceptent l’explication.

C’est que la mentalité des touristes a commencé à changer après 1960 : de touristes « Kairos » ( sans trop de planning rigoureux), ils sont devenus touristes « telos », tenus par un itinéraire rigide et le temps.

Dés l’ouverture des deux parcs au début du XXe siècle, les visiteurs, arrivés sur place, prenaient le plaisir de faire le tour des deux d’où dans les statistiques le même nombre de visiteurs en 1906.

En effet la route 180 se termine au bout d’une quarantaine de kilomètres par un cul de sac. Il faut alors revenir à la jonction avec le «  Sequoia Park » et repartir sur la 198. Cela ajoute, pour voir quelques arbres de plus, 80 kilomètres de routes tortueuses de montagnes. Depuis 1987, les touristes s’aperçoivent que leur emploi du temps ne leur permet pas de rajouter et de perdre ce temps précieux alors que leurs vacances sont mesurées. Alors en suivant une carte  pour aller à Visalia et au Yosemite Park, l’étape suivante d’habitude, il faut prendre à la jonction la 198 ! D’où cette différence de fréquentation !

Mais le GPS est pire que tout pour le tourisme éclairé ! Quand vous demandez la direction de Visalia, ville à la sortie du « Sequoia », la seule direction donnée est la 198, la plus rapide, la plus directe. Le GPS ignore totalement le «  Kings » !

Il en est de même quand vous consultez votre GPS venant de Visalia pour se diriger vers Fresno. Là aussi la voix dit de prendre la 198 puis la 180 vers l’ouest, ce qui évite le Kings.

La conséquence directe est que deux visiteurs sur trois filent vers les deux villes pointées par le GPS. Dommage de manquer une partie de la «  Sequoia Forest », le «  Kings Canyon »  au fond duquel se trouve une magnifique promenade le long du torrent.

 

De nos jours la mode est de faire le plus de parcs en le moins de temps et de magnifiques lieux comme le «  Kings » ou le « Natural Bridges National Park » (100 000 visiteurs/an par rapport au un million de visiteurs/an de l’ « Arches National Park« ) se trouvent délaissés. C’est alors un bonheur pour ceux qui prennent le temps de faire le détour.

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