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A la rencontre des Américains – Rencontres insolites 8

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Shane, Dominique, Jay, Steve, Jamie, TJ et Ryan, d’autres Américains rencontrés au fil de mon voyage.

 

Shane : le RV World champion
Plus loin, beaucoup plus loin, un immense bâtiment moderne attire l’œil. C’est un concessionnaire de «Motorhomes», engins gigantesques que l’on remarque sur les autoroutes américaines. C’est une maison sur roues comme une immense carapace de tortue. On rencontre Shane, le patron qui très sympathiquement, nous fait visiter ces monstres. Un véritable appartement avec chambre, salle de bains complète, coin repas, cuisine et salon. Impressionnant d’astuces pour caser tous les meubles nécessaires, et idée brillante de faire ressortir, pour l’agrandir, des portions de parois.
Shane nous annonce le prix de ces beautés : 650 000 dollars, le prix d’une véritable maison. Et il se vante d’en avoir vendu 60 le mois dernier. Comme quoi, il y a de l’argent en Amérique et que la misère est loin de frapper tout le monde. D’ailleurs arrive un retraité qui, avec sa femme, vient suivre une séance de formation pour faire marcher tout cela. Bientôt il roulera par les routes d’Amérique avec son motorhome et, derrière, sa voiture en remorque. Il fera de magnifiques circuits à travers les parcs et passera l’hiver en Floride.
Je ressors de la concession, les yeux remplis d’admiration pour les concepteurs de ces engins.
Le rêve : un jour en conduire un dans les Montagnes Rocheuses !

 


Dominique : the French cat man
Fou, fou, fou, pour reprendre la publicité d’un fameux opticien! Fou, fou ce Dominique rencontré sur la Mallory Square à Key West. Fou avec ses chats, qui heureusement, sont raisonnables. Tous les soirs à partir de 18 heures, une foule dense vient à cet endroit à Key West pour voir de magnifiques couchers de soleil (sunsets). En profitent un certain nombre de saltimbanques, jongleurs, cracheurs de feu, prestidigitateurs et bonimenteurs pour s’installer sur la place et haranguer les badauds. Pendant deux heures, jusqu’au moment où la foule s’éloigne vers les restaurants et les motels, ils vont tenter de gagner quelques dollars pour leur journée.
Au fond, un homme crie, se dandine et interpelle les curieux. Son rire éclatant, parfois étrange suffit à attirer suffisamment de gens pour commencer son numéro avec ses sept chats. Bérénice, l’un d’eux, saute de tabouret en tabouret, à travers des anneaux ou un cercle de feu. Mais c’est vraiment lui le spectacle. En l’écoutant, j’ai reconnu l’accent français. Contrairement à Jean Dujardin qui est silencieux dans The Artist, lui est bruyant et étonne par ses blagues. Mais le résultat est là : à la fin du spectacle, les billets de dollars tombent dans un grand bac et Dominique s’en tire très bien.
Il est à Key West depuis vingt ans : il vient de Pontoise et retourne voir sa mère une fois par an en été. Un exilé qui a trouvé sa voie en Amérique.

 


Jay : good for BADD
Sur Duval Street, la rue principale de Key West, un stand attire les regards : c’est Jay, avec sa splendide Harley-Davidson et sa Corvette. De couleur orange brillante, on se demande ce que ces deux engins font là sur le trottoir. Jay est le bonimenteur. Il travaille pour BADD (Bikers against Drunk Drivers), une association qui collecte des fonds pour aider les motards accidentés par la faute de conducteurs ivres. Souvent, ils n’ont pas d’assurance médicale qui couvre leurs frais et BADD vient à leur aide. Pour avoir les finances nécessaires, tous les ans, il y a une grande tombola dont les prix sont la moto Harley Davidson et la Corvette exposées à Key West. Le tirage a lieu à Daytona Beach.
Jay était capitaine d’un remorqueur dans le port de Miami et a été lui même accidenté deux fois avec sa moto : il s’est proposé comme bénévole pour tenir le stand à Key West. Le billet coûte un dollar mais pour 50 dollars vous en avez 60.

 


Steve : the mahi-mahi catcher
Key West, l’une des activités les plus demandées est la pêche au gros (big game fishing). Les Américains et les étrangers viennent de loin pour passer une journée sur un bateau et partir au large pour attraper de gros poissons : mahi-mahi (dorade coryphène), marlin, sailfish, wahoo, tuna, tarpon, shark, tous des poissons de grande taille, souvent plus de vingt, trente kilos. Steve possède un bateau qui peut emmener jusqu’à six pêcheurs. Le coût du bateau pour la journée est de 900 Dollars, que vous soyez seul ou à six. Steve nous montre la taille des poissons que ses clients attrapent en général. Un peu marseillais sur les bords. Mais il ajoute : « No catch, no pay ! ». Si les clients n’attrapent rien, ils ne paient pas ! Cette situation n’est encore jamais arrivée nous assure Steve. Parmi les plus gros poissons attrapés, il en a eu de 40 kilos !
Ce matin-là il attend ses six clients. Il partira à midi et rentrera à 16 heures. Les poissons que les clients pêchent leur sont donnés et certains restaurants les prépareront pour vous pour une modique somme. Les poissons qui restent sont d’habitude donnés à ceux qui attendent les bateaux, ou servent d’appâts pour le lendemain.

Vous passez dans le coin et vous avez envie d’attraper un gros poisson allez voir Steve sur le « Charter Boat Row« .

 

Jamie : the Gulfstream deep sea fishing boss
A côté du bateau de Steve, il y en a un beaucoup plus gros, le Gulfstream, confié aujourd’hui au Capitaine Andy, un profil de vieux loup de mer avec sa barbe blanche. Mais la propriétaire est Jamie, une jolie femme d’une trentaine d’années. Comment a pu faire Jamie au milieu de tous ces hommes car la pêche au gros est surtout une affaire d’hommes ?
Son histoire est brève mais passionnante. Jamie vivait et travaillait à New York quand un jour elle a tout plaqué pour investir son argent dans un bateau de pêche. Elle était fatiguée du rythme : boulot, métro, dodo et bobo à l’âme ! Elle acheta un bateau d’une petite taille puis racheta le Gulfstream. Elle emploie 7 personnes qui tous les jours de 10 heures à 16 heures emmènent environ 40 à 70 clients au large pour une journée de pêche. Le coût par personne est de 65 Dollars, moins cher que chez Steve.
Bravo à Jamie qui a su couper les ponts avec une vie qui ne l’intéressait plus : elle voulait l’air du grand large, le ciel bleu, les grands espaces et être sa propre patronne. Bel exemple pour une jeune femme qui a pris tous les risques et semble avoir réussi à accomplir ce qu’elle voulait : donner du plaisir et en même temps s’en donner en offrant une activité passionnante. J’admire son courage.

Pour en savoir plus voir : www.gulfstreamkeywest.com

 

TJ : the Everglades airboat pilot
Sur l’étendue des Everglades, la profondeur de l’eau ne sera jamais de plus de 4 pieds, environ un mètre 30. Les bateaux ne peuvent y circuler. En outre, les herbes qui flottent à la surface empêcheraient tout moteur traditionnel de fonctionner. Alors l’idée est venue de construire comme des aéroglisseurs qui peuvent franchir les surfaces liquides et les bancs de sable même encombrées de végétation.
Le long de la route 41 se trouvent le plus grand nombre de ces sociétés qui proposent des promenades dans les Everglades en aéroglisseur. Difficile de choisir ? Mais quelques conseils comme dans toute visite : vous avez les « autocars » qui peuvent transporter un grand nombre de visiteurs ou des petites compagnies avec des engins à 4 ou 6 places. Le coût est le même par personne. A vous de juger ! Les guides vous donnent les mêmes renseignements et le même historique des Everglades.
Après d’assez nombreuses visites, cette fois-ci, nous avons pris un « Small airboat». Le pilote est TJ ( Tony Junior). Il conduit ces engins depuis un an, c’est son premier boulot. Il manie son engin avec la dextérité d’un vieux marin. Mais attention : mettez des boules Quiès car le bruit du moteur est effrayant. Il vous laissera un peu sourd pendant des heures. Evidemment il y a d’autres moyens plus agréables pour observer les oiseaux car là, le seul bruit de l’hélice les fait tous s’envoler à coup sûr.
Un tour sur cette prairie aquatique vaut le coup car c’est un parcours inhabituel.
Quant à TJ, natif d’une ville à la limite des Everglades, il a l’intention d’y rester longtemps. Mais un danger menace cette profession. En effet l’année dernière, la saison a été raccourcie de deux mois par manque d’eau en raison de la sécheresse. Le niveau est très bas et la saison des pluies n’a pas apporté l’eau nécessaire. Dans le parc Aubusson près de Immokalee, le manque d’eau a fait disparaître de nombreux animaux : aigrettes, cormoran, alligators, tortues. Il ne reste que deux petites flaques où se concentre la faune.
Une grave erreur est en train d’être corrigée. En construisant un réseau de routes à travers les Everglades, les hommes ont coupé le flot des eaux qui venaient du lac Ochobee, réduisant les Everglades en minuscules étendues de marécages.
Le problème sera réglé quand une partie des routes sera remplacée par des ponts.

 


Ryan : a High school teacher
A Belvidere, petite ville au nord de Chicago où habite une de mes filles, le petit-fils m’a invité à venir parler à sa classe de mon expérience d’enfant à Paris pendant la Seconde guerre mondiale. Les élèves s’attendaient donc à voir l’un des derniers dinosaures de cette époque ! Un survivant de la 2e guerre mondiale, c’est un élément rare et donc surprenant !
Je l’ai souligné dés les premières minutes en montrant comme l’histoire de France était compliquée surtout pour des Américains : né sous la 3e république, école primaire sous Vichy, études secondaires sous la 4e et enfin commençant à travailler sous la 5e, espérant enfin prendre ma retraite sous la 8e !
Comme j’avais sympathisé avec Ryan, le prof d’histoire et de géographie, j’ai décidé de parler de lui. Il a accepté volontiers.
Ryan enseigne ces deux matières depuis 9 ans dans ce système scolaire. Il donne des cours aux étudiants du « grade 9 » au « grade 12 », c’est à dire l’équivalent de la troisième à la terminale. Rappelez-vous que les Américains comptent le nombre d’années passées à l’école tandis que les Français comptent le nombre d’années qu’il leur reste avant le bac ! Approche philosophique et sociale différente !
Ryan commence ses cours à 7 heures 35 et termine sa journée à 15 heures 20. Remarquez la précision des horaires ! Les élèves commencent à 7 :55 et sortent à 2 :55 PM ( 14 h 55). Chaque cours dure 50 minutes. Ryan enseigne à cinq classes par jour, toute la semaine. Dans ses heures, il compte une heure de surveillance (cantine, couloir, permanence) et une heure de préparations. Par conséquent Ryan reste 7 heures 45 minutes par jour au lycée, c’est la durée légale pour tout enseignant, mentionnée dans le contrat qu’il signe avec le système scolaire tous les trois ans.

Pour obtenir ce poste, Ryan a fait des années d’études à l’université : il est allé à Illinois University à Norman pour avoir son BA ( équivalent licence) puis a poursuivi pour un « master » en administration. Il a donc bac +6. Tous les cinq ans il doit suivre un stage pour se maintenir à niveau. Il peut prendre sa retraite après 37 ans de bons et loyaux services puisqu’il est dans le TRS (Teacher Retirement System) depuis plusieurs années. Mais les nouveaux devront avoir 40 ans d’enseignement avant la retraite complète ! En général dans le monde occidental, toutes les autorités financières (gouvernement, états, caisses de retraites) ont décidé de reculer l’âge de la retraite pour sauver leur système. Pas uniquement en France !

Ryan explique aussi que, depuis peu, la garantie de l’emploi, même pour les enseignants a disparu : ce sont des contrats négociés par les syndicats pour trois ans et renouvelés après discussions. Or depuis cinq ans, le pouvoir d’achat s’effrite : les salaires n’augmentent pas tandis que tout devient plus cher : essence, assurance, loyers. Ryan pour s’en sortir doit travailler en dehors de son contrat : 180 jours payés par an. Il travaille dans un restaurant japonais à préparer des sushis et faire la plonge !

Les enseignants du lycée de Ryan sont évalués par le principal : il y a plusieurs niveaux de notes : Levels 1 2 3 et 4. Le plus élevé est level 4. Ryan est au niveau 4 donc ne risque rien pour son emploi. Par contre Ryan dit que plusieurs enseignants dont l’un a plus d’ancienneté que lui dans le système seront mis à la porte en juin car ils ont un « level 1 ». Sans indemnités, sans compensations !

Le district ( système scolaire) peut ajouter une heure par jour aux horaires, heure qui sera payée en supplément.

Mais Ryan souligne qu’à Chicago, qui a un système différent de celui de Belvidere, la situation est critique pour les retraites des enseignants : en effet le Maire de Chicago (qui est en prison pour malversations) avait vidé la caisse de retraite des enseignants pour équilibrer son budget ! ( voir article dans la revue de presse du 21 avril 2012).

Enfin un enseignant avec l’ancienneté de Ryan gagne en général 50 000 Dollars par année de contrat (38 000 euros soit 4 200 euros par mois d’enseignement : le salaire total peut être divisé en 180 jours et rien n’est payé pour les jours hors contrat, soit le total divisé par douze pour avoir un traitement régulier, ce qui ferait environ 3 200 euros mensuels). Une remarque est nécessaire : depuis 1959, ma première année d’enseignement aux Etats-Unis, l’écart entre salaires américains et européens s’est considérablement rétréci!

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