Une belle visite à faire lors d’un séjour dans la région des Black Hills du Sud Dakota, à la découverte de ce qui fut l’une des villes les plus représentatives de la « Fièvre de l’or » dans l’Ouest américain.
Deadwood. Un emblème du « Wild Wild West« , de l' »Ouest sauvage ». Une ville créée illégalement en 1876 au cœur des Black Hills du Dakota du Sud, dans un territoire concédé depuis 1851 aux nations indiennes par le Traité de Fort Laramie.
Un traité porteur de paix, après près de trois siècles de conflit entre les nations indiennes et le gouvernement américain. Mais un traité qui allait finalement voler en éclats avec la découverte de l’or dans l’ouest américain : en 1874, un quart de siècle après le début de la Ruée vers l’or en Californie, et deux ans avant la naissance de Deadwood, le Général George Custer, à la tête d’une expédition militaire et scientifique dans les Black Hills, avait annoncé la présence d’or dans la région.
La Ruée vers les Black Hills
Le gouvernement américain tenta d’étouffer la nouvelle afin d’éviter une ruée vers cette région définitivement cédée aux Indiens Lakotas et Sioux en 1851. On installa même des troupes en périphérie de la région pour en interdire l’accès.
Mais c’était ignorer la puissance d’attraction sans limites exercée par le métal jaune. La nouvelle de la découverte finit par se répandre, et les chercheurs d’or et aventuriers de toute sorte, tant d’Amérique que du reste du monde, se précipitèrent dans les Black Hills, la « Frontière« , dans l’actuel Sud Dakota. Cette violation du sanctuaire des nations indiennes donnera naissance à la Guerre des Black Hills entre les Sioux Lakotas et l’armée américaine, et à la bataille demeurée célèbre de « Little Big Horn« .
Deux ans après la découverte de Custer, le premier convoi de chariots arriva, sous la direction de deux aventuriers, les frères Charlie et Steve Utter. Dans ces chariots, tout le matériel nécessaire à une première exploitation minière, mais aussi des tentes, des planches pour des constructions sommaires, et naturellement de l’alcool en quantité, des cartes à jouer et des prostituées !
Deadwood fut à l’origine un village fait de toiles de tentes réparties de part et d’autre d’une rue unique, boueuse et sans aménagements. Très vite, les tentes cédèrent la place aux cabanes en planches puis aux constructions en briques. La ville prenait de l’ampleur, non seulement en raison de l’exploitation de l’or mais aussi parce que le commerce y était florissant et attirait en ces lieux de plus en plus d’aventuriers. Les saloons se comptaient par dizaines.
La prostitution était une véritable industrie. Certains saloons acquirent une réputation qui s’étendit bien au-delà des limites de la région. Quelques-uns restèrent dans l’histoire, comme le « Bella Union » ou comme le « Gem Variety Theater« , ce dernier créé et géré d’une main de fer par Al Swearengen, un personnage hors du commun. Inauguré en 1877, le « Gem » brûla une première fois en 1879 lors du grand incendie qui détruisit plus d’une centaine de bâtiments de Deadwood.
Il fut reconstruit encore plus somptueux qu’il ne l’était auparavant. Un deuxième incendie en 1899 mi fin à l’existence de cet établissement légendaire.
A Deadwood, ville illégalement créée, la loi américaine ne s’appliquait pas. Rixes, conflits et règlements de compte se succédaient. La ville s’étendait, un important quartier chinois s’y développa. Les nouveaux arrivants continuaient à affluer.
L’exploitation du métal jaune, artisanale au début, devient industrielle au fur et à mesure des développements techniques, puis passa majoritairement aux mains de quelques puissants prospecteurs. L’une des exploitation les plus profitables fut la Homestake Mine, dans la petite ville voisine de Lead. Créée en 1877, elle resta longtemps la mine d’or la plus longtemps exploitée des Etats-Unis : les opérations s’y poursuivirent jusqu’à épuisement du filon en… 2002.
Calamity Jane
La légende de Deadwood repose non seulement sur la découverte de l’or, sur le statut illégal de la ville au regard des lois américaines de l’époque, mais aussi et surtout sur le caractère des personnages, hommes et femmes, qui y vécurent. Le plus célèbre d’entre eux fut Wild Bill Hicock (voir ci-dessous) dont la prestigieuse carrière de justicier, d’as du révolver et de joueur de poker s’interrompit ici. A ses côtés à Deadwood, une autre figure de légende, Martha Jane Cannary, dite « Calamity Jane« , née en 1852 dans le Missouri, employée comme éclaireur par le Général Custer, très habile au revolver, et connaissant mieux que personne la « frontière » de l’Ouest américain pour l’avoir parcourue de long en large dans son enfance, du Montana à l’Utah, de l’Arizona aux Dakotas. Elle arriva à Deadwood par le même convoi que Wild Bill Hickok. Elle s’y maintint quelques mois après la mort de son ami. Les deux héros de l’ouest sont aujourd’hui enterrés dans le même secteur du cimetière Mount Moriah de Deadwood.
Wild Bill Hickok
Deadwood est indissociable du personnage de « Wild Bill » Hickok, figure emblématique de l’Ouest, as incontesté de la gâchette, virtuose inégalé du Smith & Wesson. James Butler Hickok était arrivé à Deadwood dès 1976 avec le premier convoi, embauché par les frères Utter pour en assurer la sécurité. Né dans l’Illinois 38 ans plus tôt, Wild Bill a déjà participé à de mémorables fusillades et à des duels de légende dont il sort grandi pour son choix de se placer du côté de la loi et des victimes, face aux gens peu scrupuleux et aux profiteurs en tout genre.
Enrôlé dans l’armée de l’Union durant la Guerre de Cessession, il s’y conduit en héros. Au terme du conflit, James « Wild Bill » Hickok occupe des postes de sheriff successivement dans le Kansas à Fort Riley et à Hays City, puis à Abilène dans l’actuel Texas. Aventurier, chercheur d’or à l’occasion, il part pour Cheyenne dans le Wyoming et s’y marie en 1976.
Lorsqu’il arrive à Deadwood avec le convoi des frères Utter, il ne lui reste que peu de temps à vivre.
Le 2 août 1976, alors qu’il prend place à une table de poker du saloon Nuttal & Mann’s, le héros de l’Ouest est abattu d’une balle dans la nuque par un certain McCall, dit « le lâche Jack McCall« , un voyou de 24 ans, ivrogne et rancunier, contre lequel Wild Bill avait gagné plusieurs parties la veille au soir. Ainsi prit fin, à Deadwood, la vie d’un des plus grands héros de l’Ouest. D’abord acquitté et libéré, l’assassin McCall est capturé dans le Wyoming. Le jugement dans la ville « illégale » de Deadwood n’ayant aucune valeur, il est jugé une deuxième fois à Yanktown mais cette fois-ci condamné pour meurtre, il y est pendu le 1er mars 1977.
La Série Deadwood
La ville de Deadwood fut quelque peu oubliée au cours du 20e siècle et commença à tomber en décrépitude. Son inscription en 1961 au « Patrimoine national américain » lui apporta un regain de notoriété et la visite de touristes de plus en plus nombreux. La diffusion à partir de 2004 de la série HBO en trois saisons de 12 épisodes chacun « Deadwood » acheva d’éveiller la curiosité du public.
Une série de grande qualité dont les personnages principaux ont pour noms Wild Bill Hickok, Calamity Jane, le maire Seth Bullock et son ami Sol Star, Al Swearengen, le patron du « Gem » et même le célèbre Wyatt Earp qui s’illustra en 1881 à Tombstone (Arizona) dans l’historique fusillade d' »O.K. Corral« .
Au cours des saisons, la série met en lumière les luttes et les conflits dans le développement de ce camp minier sans foi ni loi, vers une véritable communauté en « voie de civilisation ».
Visiter Deadwood
Deadwood se situe à un peu moins de 70 kilomètres au nord-ouest de Rapid City. Les bâtiments historiques les plus intéressants sont répartis de part et d’autre de Main Street. Bars, boutiques de souvenirs et restaurants s’y succèdent. Certains font aussi office de salles de jeu, qu’il s’agisses de « machines à sous » ou de tables de poker ou de blackjack. Pour les amateurs de cinéma, le Midgnight star est la propriété de Kevin Costner : de nombreuses pièces de collection récupérées de ses films en ornent les murs.
Ne manquez pas la visite du cimetière de Mount Moriah, établi sur une colline et offrant une belle vue sur la ville. Un endroit arboré, loin de la foule des touristes arpentant Main Street. Au hasard de ses allées en pente, on découvrira les tombes de Wild Bill Hickok, proche de celle de Calamity Jane, et, bien plus haut, à quelque dix minutes de marche, celle de Seth Bullock décorée de divers objets, fleurs séchées et pommes de pin déposées par de nombreux admirateurs…